Vinaya Pitaka - Citations
Le vénérable Sona, après avoir reçu l'ordination, vivait dans le bois de Sitavana. Un jour qu'il s'était blessé les pieds, il lui vint à l'esprit que, n'étant pas parvenu à se libérer des désirs, mieux valait pour lui profiter des richesses dont sa maison regorgeait et accomplir des oeuvres méritoires.
Le Bouddha lui donna ce conseil: " N'étais-tu pas habile joueur de vina quand tu appartenais au monde?"
- Oui, Seigneur.
- Que penses-tu, Sona, si les cordes de ta vina étaient trop tendues, ta vina donnait-elle le juste ton ?
- Non, Seigneur.
- Et si les cordes de ta vina n'étaient ni trop tendues ni trop lâches mais gardaient la juste mesure, ta vina donnait-elle le ton juste et était-elle prête à être jouée ?
- Oui, Seigneur.
- De même, Sona, les forces trop tendues tombent dans l'agitation stérile, et trop lâches, elles tombent dans l'indolence. Ainsi donc, Sona, réaliser l'équilibre de tes forces et chercher sans répit l'équilibre de tes facultés spirituelles, tel doit être l'objet de tes pensées.
- Il en sera ainsi, Seigneur, dit Sona qui suivit le conseil du Bienheureux.
Voici encore, ô moines, la vérité mystique sur le chemin qui conduit à l'arrêt de la douleur : c'est le chemin mystique à huit membres qui s'appelle vue juste, intention juste, parole juste, action juste, mode de vie juste, effort juste, vigilance ardente et juste, et juste samadhi.
Le feu dévore le monde entier, la destruction n'a pas de fin parce que le combustible est toujours nouveau, les flammes toujours nouvelles, et pourtant on dit que le feu demeure.
Il en est ainsi de la personne dont le combustible - sensations, sentiments - est toujours différent, dont la flamme est la soif.
Cette fois-là, le Bienheureux qui venait d'atteindre le parfait et complet Éveil était à Uruvela, au nord de la rivière Neranjarà, au pied de l'arbre de la bodhi.
"Le Bienheureux resta alors assis continûment jambes croisées pendant sept jours, dans la béatitude de la libération.
" Durant la première veille de la nuit, le Bienheureux considéra dans son esprit la production conditionnée, dans l'ordre naturel puis dans l'ordre inverse : conditionnées par l'ignorance sont les tendances fabricatrices, conditionnée par les tendances est la conscience, conditionnés par la conscience sont les phénomènes qui ont nom et forme, conditionnés par les phénomènes qui ont nom et forme sont les six domaines sensoriels, conditionné par les six domaines est le contact, conditionnée par le contact est la sensation, conditionnée par la sensation est la soif du désir, conditionné par la soif du désir est l'attachement, conditionné par l'attachement est le processus de devenir, conditionnée par le processus de devenir est la naissance, conditionnées par la naissance se produisent la vieillesse et la mort avec le chagrin, les lamentations, la douleur, la peine, le désespoir. Telle en l' origine de toute cette masse de souffrance.
" L'extinction et la suppression totales de l'ignorance conditionnent la suppression des tendances fabricatrices, la suppression des tendances conditionne celle de la conscience, la suppression de la conscience conditionne celle des phénomènes qui ont nom et forme, la suppression des phénomènes qui ont nom et forme conditionne celle des six domaines sensoriels, la suppression des six domaines conditionne celle du contact, la suppression de contact conditionne celle de la sensation, la suppression de la sensation conditionne celle de la soif du désir, la suppression de la soif conditionne celle de l'attachement, la suppression de l'attachement conditionne celle du processus de devenir, la suppression du processus de devenir conditionne celle de la naissance, avec la suppression de la naissance disparaissent la vieillesse et la mort avec le chagrin, les lamentations, la douleur, la peine, le désespoir. C'est ainsi qu'est supprimée toute cette masse de souffrance."
Voici, ô moines, la vérité mystique sur la douleur : la naissance est douleur, la maladie est douleur, la mort en douleur, l'union avec ce qu'on déteste est douleur, la séparation d'avec ce qu'on aime est douleur, l'impuissance à obtenir ce que l'on désire est douleur. En résumé, les cinq agrégats d'appropriation sont douleur. Voici encore, ô moines, la vérité mystique sur l'origine de la douleur : c'est la soif qui conduit de naissance en naissance, accompagnée de jouissance et d'attraction [raga], qui cherche satisfaction ici et là : soif des plaisirs des sens, soif de l'existence, soif du devenir et soif du non-devenir.
Le corps, la sensation, les notions, les tendances fabricatrices, la conscience ne sont pas le Soi. S'ils étaient le Soi ils ne seraient pas sujets à l'évanescence et l'on pourrait dire : que mon corps soit ainsi et ainsi.
Ce corps, ces sensations... sont périssables, et ce qui est périssable engendre le tourment; on ne peut dire de ce qui est périssable, source de tourment, sujet au changement : ceci est mien, je suis cela, cela est mon atman.
Voici encore, ô moines, la vérité mystique sur la suppression de la douleur : c'est l'arrêt complet de cette soif, la non-attraction, le renoncement, la délivrance, le détachement [analaya].
Source : Mahavagga, V, I, 15-16, cité et traduit par Lilian Silburn, Aux sources du Bouddhisme, Fayard,