Marcile Ficin - Citations
« Le corps est une ombre de Dieu, mais l’âme est son image immortelle.
« Réfléchissez au non sens de notre vie. Car, vils comme nous sommes, il ne nous est pas facile du tout d’écouter, alors que, vivant dans la honte, nous espérons être entendus de Dieu. Ah, comme nous sommes sots et déraisonnables ! Nous essayons de changer Dieu, mais pas notre comportement ! Nous voulons convaincre les autres de ce qui est bien, sans pouvoir nous en convaincre nous-mêmes. Nous avons le bien à la bouche et le mal dans le coeur. Tandis que nous parlons de la vertu comme on la chanterait sur une lyre, nous n’entendons pas le son de notre propre coeur. Nous imitons les mauvais médecins qui promettent aux autres la santé dont ils ne peuvent faire preuve eux-mêmes. J’aimerai tant, ami, que vous me prêtiez l’oreille un moment. Je vous enseignerais alors volontiers en peu de mots la rhétorique, la musique et la géométrie. Convainquez-vous de ce qui est juste, maîtrisez les mouvements de l’esprit et que votre force et vos actes aient de la mesure. Mais vous direz que cela est trop difficile. Ce ne serait pas aussi difficile si vous désiriez aussi ardemment vivre dans le bien que vous désirez vivre ».
De la création de l'âme sans intermédiaire
Dieu seul est le générateur de l'être, et l'âme reçoit en son sein, de manière irréductible, le don absolu de l'être: "L'intelligence humaine se tourne vers Dieu sans intermédiaire, car les êtres retournent à leur cause comme ils en procèdent".
La première définition de l'âme atteinte par l'étude des principes de la réalité est donc celle d'une forme libre et simple (anima est forma ita simplex atque ita libera) ne pouvant être engendrée à partir de réalités préexistantes. L'origine de l'âme, parce qu'elle ne tient son être que de Dieu, est une origine absolue. L'âme entretient donc par essence un rapport direct à Dieu et, en retour, ne s'unit au principe créateur que « par l'union véritable de la substance elle-même: ». L'âme n'est médiatrice que dans la mesure où son intégrité substantielle est originairement confrontée à une antériorité absolue et infinie, c'est-à-dire sans intermédiaire ni médiation.« Rien de créé ne s'interpose entre Dieu et l'âme' » parce que l'âme ne provient pas d'un objet créé, mais de la création même; « si l'essence de l'âme est créée directement par Dieu, il n'y a entre elle et Dieu. son conservateur, aucun intermédiaire qui la sépare de celui qui la conserve" ». Créée a nihilo, l'âme se rapporte à l'acte même qui détermine la distance infinie parcourue entre l'être et le néant. Cette distance, qui donne selon Hein la définition de l'infini lui- même, est inscrite, ou plutôt implantée, par Dieu au sein de l'âme : « C'est par sa puissance infinie que Dieu a créé l'âme de rien, c'est par la puissance infinie de Dieu que l'âme atteint cette puissance infinie de Dieu qui la crée de rien». Le processus créateur est accessible à l'âme qui atteint en elle l'infinie distance du rien à l'être : l'âme est donc autonome. précisément parce qu'elle est créée, son statut de créature la faisant participer, en tant qu'être substantiel, à l'essence divine elle-même. La créature dépend d'une cause suprême. mais est laissée à son propre agir.
La médiation de l'essence psychique
Si l'âme rationnelle n'a pas l'être de soi, puisqu'elle est engendrée par un autre et ne conserve pas son être uniquement par elle-même, elle possède néanmoins l'être en soi, car son être est fondé sur son essence et l'acte de son essence reste propre à celle-ci.
C'est « par l'union véritable de la substance elle-même (substantiae ipsius unione conjugit) » que l'âme atteint l'unité transcendante, cause de la perfection de toutes choses et sous laquelle « l'ordre de l'univers est entièrement disposé ». Il existe un lien substantiel (substantialis copula), fruit d'une activité inhérente à notre propre substance, capable de lier les substances entre elles et de conduire simultanément à l'union de l'immanent et du transcendant. L'âme procède dans son activité interne de ce qui donne unité à la totalité :
"Le reste des êtres au-dessous de Dieu constitue chacun un seul être en soi (unum in se singula), tandis que cette essence est tout à la fois. Étant au centre de tous les êtres. elle possède les forces de tous. S'il en est ainsi. elle passe en tous."
Elle est. elle possède et elle passe par cette totalité, puisqu'entre ce qui est inférieur à Dieu et ce qui est supérieur à la matière. « il faut absolument qu'il y ait un intermédiaire : c'est le tout absolu et entier. la totalité de tous les êtres
Il faut donc que l'âme soit dans une certaine mesure toutes choses, elle dont Zoroastre dit "qu'elle renferme les nombreuses plénitudes des entrailles de l'univers". Cette « certaine mesure » consiste pour l'âme à contenir les raisons de toutes choses, non pas en puissance, mais en habitus, c'est-à-dire par une intégration active de l'être des choses. Il est significatif que Hein ait ici préféré renvoyer l'expression littéralement aristotélicienne ,< l'âme est dans une certaine mesure toutes choses' ». aux plérômes de la tradition des Oracles chaldaïques, c'est-à-dire aux plénitudes d'essences contenues en l'âme. Il s'agit moins en effet de penser l'activité de l'âme sous la forme d'un mode d'identification psychique aux êtres intelligibles dans la science, et aux êtres sensibles dans la sensation, que de voir en elle l'essence qui possède efficacement les forces de tous les êtres, leur permettant ainsi d'accéder à leur forme propre. L'âme est protéiforme, selon l'expression orphique. c'est-à-dire qu'elle donne aux choses elles-mêmes le pouvoir de revêtir leur propre forme. L'âme est le lieu d'émergence des formes, ou encore l'émergence du réel dans la forme, puisqu'elle porte en elle la totalité en tant que détermination effective et explicative de l'esse divin.
Source :
Marsile Ficin: les platonismes à la Renaissance - http://books.google.fr/