« Qui apporte la vérité ? »
ALLOCUTION DE J. KRISHNAMURTI DU 2 AOÛT 1927
« Lorsque j'étais petit garçon, j'avais l'habitude de voir Shri Krishna et sa flûte, tel qu'il est décrit par les hindous, car ma mère était une adepte de Shri Krishna... En grandissant, j'ai rencontré l'évêque Leadbeater et la Société Thésosophique, et j'ai commencé à voir le Maître K.H., là encore sous la forme qui m'était présentée, la réalité qu'eux préconisaient; et donc le Maître K.H. fut pour moi une finalité. Plus tard, ayant acquis plus de maturité, j'ai commencé à voir le Seigneur Maitreya. C'était il y a deux ans, et je Le voyais toujours sous la forme qui m'était présentée... Récemment, j'ai vu le Bouddha et ce fut une joie et une gloire pour moi d'être avec Lui. On m'a demandé ce que j'entendais par “le Bien-Aimé”. Je vais vous en donner une signification et une explication que vous interpréterez comme vous l'entendrez. Pour moi, Il est tout — Il est Shri Krishna, le Maître K.H., le Seigneur Maitreya, le Bouddha — et pourtant Il est au-delà de toutes ces formes. Qu'importe le nom que vous lui donnez...
Ce qui vous préoccupe est de savoir s'il existe quelqu'un qui soit l'Instructeur du Monde, qui S'est manifesté par l'intermédiaire du corps d'une personne précise, Krishnamurti. Mais dans le monde, nul ne se soucie de se poser une telle question. Vous comprendrez donc mon point de vue quand je vous parle de mon Bien-Aimé. Il est bien dommage que je doive vous en fournir une explication, mais c'est nécessaire. Je voudrais le faire de manière aussi vague que possible, et j'espère y être arrivé. Mon Bien-Aimé, c'est le ciel infini, la fleur, chaque être humain... Tant que je n'ai pu le dire avec certitude, sans le moindre émoi déplacé, sans la moindre exagération destinée à convaincre les autres : « Je fais un avec mon Bien-aimé », je n'en ai jamais parlé. J'ai dit de vagues généralités comme tout le monde le désirait. Je n'ai jamais dit : « Je suis l'Instructeur du Monde », mais à présent que je me sens un avec mon Bien-Aimé, je le dis, non pour imposer mon autorité, non pour vous convaincre de ma grandeur ni de la grandeur de l'Instructeur du Monde, ni même de la beauté de la vie, mais simplement pour éveiller le désir, dans votre cœur et dans votre âme, de chercher la Vérité.
Si je dis — et je tiens à le dire — que je suis un avec le Bien-Aimé, c'est que je le ressens et que je le sais. J'ai trouvé ce à quoi j'ai aspiré; je suis uni à Lui de telle sorte que désormais nous ne serons plus jamais séparés, car mes pensée, mes désirs, mes vœux — ceux du moi individuel — sont tous détruits... Je suis comme la fleur qui donne son parfum à l'air matinal. Peu importe celui qui passe...
Jusqu'à présent, vous avez été sous l'autorité des deux protecteurs de l'Ordre (Mme Besant et Leadbeater) et vous attendez que quelqu'un d'autre vous dise la Vérité alors que la Vérité est en vous. Dans votre propre cœur, dans votre expérience personnelle, vous trouverez la Vérité, voilà la seule chose qui compte... Mon but n'est pas de susciter des discussions sur l'autorité, sur les manifestations à travers la personnalité de Krishnamurti, mais de vous offrir les eaux qui vous laveront de vos chagrins, de vos tyrannies mesquines, de vos limitations, qui vous rendront libres, qui vous permettront finalement de vous fondre dans cet océan où n'existe aucune limite, où vous trouverez le Bien-Aimé... Le verre dans lequel vous buvez de l'eau importe-t-il vraiment si cette eau parvient à étancher votre soif ?... J'ai été uni à mon Bien-Aimé et mon Bien-Aimé et moi nous promènerons ensemble tout autour de la terre... Il est vain de me demander qui est le Bien-Aimé. À quoi bon l'expliquer ? Car vous ne comprendrez pas le Bien-Aimé tant que vous ne L'aurez pas vu en chaque animal, en chaque brin d'herbe, en chaque être qui souffre, en chaque individu. »
C'est deux ans plus tard, au camp d'Ommen de 1929, que Krishnamurti dissout l'Ordre de l'Étoile. Désormais, l'enseignement, donné aux deux camps d'été annuels, sera libre, accessible à quiconque veut l'écouter.