Une Franc-Maçonnerie philosophique, l’autre philosophale.
Ce mouvement d’intégration à la Maçonnerie, allié à l’engouement pour les sciences occultes se fit connaître à travers toute l’Europe par l’entremise de grands mystiques, et ésotéristes a la grande désolation des Maçons rationalistes (favorable au savoir encyclopédique).
« Diderot s'écrie dans l'article « Magie » du Dictionnaire Encyclopédique : « Qui croirait que les hommes, instruits aient donné sérieusement dans ce tissu indigeste et ridicule de superstitions ? Qui croirait que, dans ce siècle même où l'esprit humain a fait de si grands progrès en tout genre, il y ait encore des gens qui n'en sont pas détrompés? Le fait cependant n'est que, trop vrai » Voltaire s'est beaucoup occupé (de toutes les sortes de magie : possessions, sortilèges, divination, apparitions, présages, génies et esprits familiers, vampires ; l'article sur la magie qu'il a inséré dans son Dictionnaire Philosophique attribue à une influence juive les pratiques démoniaques, erreur très répandue à cette époque. Dans ses Lettres cabalistiques, Boyer d'Argens (six volumes, 1741) persifle toutes les superpositions, dans lesquelles il englobe d'ailleurs le Christianisme; ses Lettres Juives contiennent une nouvelle série de critiques contre les sciences magiques. » ; ( « L’occultisme et la Franc-maçonnerie écossaise » R. Le Forestier, 2eme Ed Librairie. académique. Perrin 1928 )
Mais aussi et surtout, la curiosité qu’exerçait le Secret, attira hélas beaucoup d’opportunistes, des maçons pas « très catholiques » ( pour l'époque ), soit cupides, soit dévorés par l'ambition et la soif du pouvoir. En effet si les patentes furent au début délivrées par l ‘Angleterre, avec beaucoup de complaisance, très vite des Rites furent rédigés, un peu partout en Europe pour justifier le credo hermétiste et cultiver le goût du merveilleux. Très vite aussi les rituels rédigés se monnayaient, alimentant un véritable fond de commerce pour ceux qui les écrivaient.
René Le Forestier, dans sa "Maçonnerie occultiste et templière au 18e siècle" indique clairement comment les diverses puissances maçonniques tant anglo-saxonne, que française ou allemande voire suédoise utilisèrent par une surenchère de hauts grades, les délivrances de patentes et les reconnaissances mutuelles de loges et chapitres pour intégrer le credo hermétique. Et ce, en le vidant souvent de sa substance spirituelle. N'hésitant pas à fabriquer des légendes dénuées de tout fondement historique ou copier certains systèmes.
J'en ai pour preuve :
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Le Rite du Chapitre de Clermont et sa légende jacobite crées par Rosa, Lernay, Prinzen .
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Le Rite du Chapitre de Sion crée par les précédents avec sa légende templière.
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C’est ce Chapitre qui sera transformé en Chapitre prieural de Sion par un Frère des plus indélicat , le Frère Johnson et qui invente le nom de Stricte Observance pour désigner son Rite. Le Baron Von Hund y ajoutera Templière.
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La S.O.T. et son rite rectifié qui connut, dès le départ, des fraudes intellectuelles et financières, (pour mémoire celles de Johnson auprès du baron de Hund puis le scandale Starck, avec son système clérical)
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Le GO qui reconnaît le 7 Août 1787, le rite d'Heredom et de Kilwinning qui est un faux historique grotesque et le sait,(« La FM Occultiste et templière de Le Forestier, Tome 2 p780/783 »)
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Le régime des Philalèthes (1773), de Savalette de Lange émanation du GO pour contrebalancer l'influence grandissante de la S.O.T. en France.
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Le Régime du Rite Primitif de Narbonne (1780)du Marquis de Chefdebien (ennemi de J.B Willermoz).
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L’Ordre des Illuminés de Bavière de Weishaupt, sa pseudo-spiritualité, et sa prétendue filiation templière.
L'histoire a conservé le souvenir de ces âpres luttes d'influences lors des différents convents ( Altenberg ,Berlin, Kholo, des Gaules, de Wilhemsbad ) pour attirer les adeptes vrais de l'art royal. « Le bruit ne fait pas de bien, mais le bien ne fait pas de bruit ». Il faudra des décennies et des décennies pour que les puissances maçonniques mettent bon ordre dans ce fatras de rites,(plus de 100 variétés de Hauts Grades), systèmes et chapitres qui s'affublent de titres pompeux et de decorum pompier pour valider la vie spirituelle qui va, rappelons-le toujours vers la simplicité et la sobriété.
« On pourrait citer d'autres exemples à propos des rites suédois, swedenborgiens, néo-templiers; presque toujours apparaîtrait cette correspondance entre la pensée maçonnique et les grandes idées de l'époque. En lisant les oeuvres de Saint-Georges de Marsais, Dutoit-Membrini, Dampierre, Lavater, Swedenborg, Oetinger, Eckartshausen, Baader et bien d'autres, on constate que la théosophie n'était pas le monopole des Loges. » A Mellor.
Dans toute l’Europe, chaque nation ambitionne secrètement de posséder sa propre Obédience avec ses propres rites, ses propres Grandes Loges. Alliances et mésalliances, tractations, et marchés, souvent de dupes. Echanges épistolaires ambigus laissant entendre la possession de la Vérité par la révélation divine, la découverte de l’Agent universel.
Que ce soit, Swedenborg, M de Pasqualy, St Martin, Mme de Guyon, ou Mme de Krudener, tous se sont ou séparés de la maçonnerie ou conservé leurs distances ou exprimé leur méfiance. Seul Willermoz a persisté contre vents et marées pour instiller dans son Régime spécifique du R.E.R, l’esprit de Martinez , son maître.
Personne n’a été plus constant et fidèle dans tous cette période que Jean-Baptiste Willermoz. .Sa parfaite connaissance des systèmes maçonniques, sa lucidité quant à leur faiblesse tant historique que doctrinaire, sons sens incroyable de l’organisation, lui ont permit de créer un Rite cohérent, intégrant la totalité du fond hermétique occidental(occultisme) éclairée par le plus pur mysticisme de Martinez et St Martin (illuminisme),car élaboré depuis le Haut (systeme CBCS) pour justifier le Bas (maçonnerie bleue en 4 grades).
Toutefois, l'histoire mondaine n'a pas retenu le nom de ces figures emblématiques de la pensée et de la foi chrétienne.
En cette période mouvementée, elle a conservé de l'illuminisme, le côté anecdotique et purement profane que représentent les courants ésotéristes et surtout, pseudo-ésotéristes, tels les Illuminés de. Bavière, le rite égyptien de Cagliostro, l'écossisme rectifié de Tshoudy, celui des philosophes de Narbonne, le régime des Philalethes.
J.de Maistre dans “Les Soirées de St Petersbourg”: Le sénateur (Anthologie littéraire de l’occultisme de Robert Kanters et Robert Amadou .Ed. Seghers) dit a ce sujet:
“Vous avez donc décidément peur des Illuminés, mon cher ami!Mais je ne crois pas, à mon tour, être trop exigeant , si je demande humblement que les mots soient définis, et qu’on ait enfin l’extrême bonté de nous dire ce que c’est qu’un illuminé, afin qu’on sache de qui, de quoi l’on parle, ce qui ne laisse pas d’être utile dans une dicussion.On donne ce nom d’illuminés à ces hommes coupables qui osèrent de nos jours concevoir et même organiser en Allemagne, par la plus criminelle association, l’affreux projet d’éteindre en Europe le Christianisme et la souveraineté. On donne ce même nom au disciple vertueux de Saint-Martin, qui ne professe pas seulement le Christianisme, mais qui ne travaille qu’à s’éleveer aux plus sublimes hauteurs de cette loi divine.”
La plupart des hauts grades, fabriqués au 18eme siecle, sont le résultat de surenchères entre puissances maçonniques, de calculs purement financiers, d'esprits plus préoccupés par l'élaboration de faux hauts grades pour combler leur connaissances souvent incomplètes, sinon fausses.
L‘oeuvre remarquable de René Le Forestier, exégète en matière d'histoire de la maçonnerie occultiste et templière fait parfaitement ressortir, à quels points, l'actuelle maçonnerie est l'héritière du 18e siècle, à quel points, elle a en elle les marques (tant dans la maçonnerie bleue de St Jean que dans les hauts grade de l'illuminisme) dans les formes non dans l'esprit.
Sources: http://revue_initiation.tripod.com/Martinisme/Illuminisme07.htm