Le 18e Siècle : celui des Lumières ou de l’illuminisme ?
Cependant il serait dangereux de penser que les grandes figures de l’Illuminisme au 18 ème siècle étaient de simples concepteurs d’Orbes, des nostalgiques d’antiques doctrines hérésiaques. La plupart étaient de véritables chercheurs. Que ce soit Swedenborg, ingénieur, Von Baader, minéralogiste, Dom Pernetty, botaniste, St Martin, professeur à l ‘école normale Ballanche, académicien, palingénèsiste et mécanicien ,Mesmer, magnétiseur, Lavater, politologue, tous ont été intimement associés à la vie de la Cité et ont participé à son évolution.
Ce Monde n’est d’ailleurs pas en évolution, mais en Révolution, et certains illuministes y verront le doigt de la Providence divine (St Martin).
Quelques dates et évènements extraits d’un tableau marquant nous feront comprendre ces affirmations :
* Révolution industrielle en Angleterre, en 1776 Adam Smith devient le père du Libéralisme économique.
* 1774/1783 : soulèvement de 13 colonies anglaises d’Amérique ; début de la guerre d’indépendance américaine.
* 1787 : début du mouvement pour l’abolition de l’esclavage.
* 1794 : abolition de celui-ci.
* Extension du despotisme éclairé en Europe de l’est menant à une restructuration des appareils d’états, en vue de leur modernisation. Cela ne vas pas sans quelques révoltes (Pougatchev en Russie en 1773., en Belgique et en Hongrie en 1788, ), ou réflexes nationaliste (les Aufklarers à Weimar et Dresde, indépendance des Pays-Bas en 1789) .Cette politique aboutit à la création de l’Académie de Berlin par Frédéric II (1743, dirigé par Maupertuis) puis celle des Beaux-Arts et des Sciences en 1757 et à celle de la banque de Berlin, l’introduction de l’industrie du coton en Autriche, Marie-Thérèse crée l’enseignement technique, et l’école des mines en Hongrie, l’académie royale du commerce et de l’industrie. Catherine II achète la bibliothèque de Diderot et crée la banque des assignations, réforme l ‘administration, facilite la liberté du commerce et de l’industrie, crée le code joséphin.
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En 1758 création de l’Académie russe des Beaux-Arts. Joseph II crée le cadastre, réforme le clergé régulier, abolit le servage et la corvée, abolit les corps de métiers.
Hershell crée son grand télescope en 1774, et découvre Uranus en 1781, Kalproth découvre l’Uranium en 1789.
Mozart, Gluck, Haendel, Beethoven, Bach sillonnent l’Europe.
La Hollande et la Suisse deviennent les grands centres d’imprimerie des livres censurés, Francfort la capitale de diffusion des livres français. La langue française devient la langue diplomatique par les traités d’Utrecht .
Mesdames De Lespinasse, Geoffrin, Du Deffand, De Staël , Necker et Bathilde, Duchesse de Bourbon sont célèbres dans toute l’Europe pour accueillir les Esprits brillants dans leur salon. Leur travail de « public-relation » a servit sans vraiment qu’on s’y intéresse à l’élaboration de l’Encyclopédie.
En 1717, la Grande Loge de Londres et de Westminster est établie. Le 24 Juin Anthony SAYER est élu par 4 loges londoniennes Chair Master, Payne lui succède et ordonne la collecte d'archives propre à connaître l'état actuel de la Maçonnerie et ses origines.
Depuis 1700, pas moins de 15 volumes sur l'histoire des ordres religieux, monastiques militaires et chevaleresques sont édités en Europe, plus de la moitié des écrits alchimistes ont été écrits dans la 2ème partie du 17e siècle.«Pierre Dupuis (1700) :Traité concernant l’histoire de la France, l’Ordre du Temple. Gurtler (1703) : Historia templarorium. P.Heylot (1714) : Histoire des Ordres religieux monastiques et religieux, 8 vol. Honoré de Ste Marie (1718) : Dissertation historique et critique sur la chevalerie ancienne et moderne, séculière et régulière. Basnage (1721) : Histoire des ordres Militaires ou des Chevaleries, des milices séculières et régulières, Abbé Roux (1725): Histoire des 3 Ordres réguliers et militaires des Templiers, des Teutons, Hospitaliers ou Chevaliers de malte. Abbé Vertot (1726) Histoire des Chevaliers Hospitaliers de St jean de Jérusalem. 1.5 vol sur 4. )
Dès 1646, la ROYAL SOCIETY de LONDRES abrite les chercheurs et amis de la vérité avec la bénédiction de CHARLES Il. Ces chercheurs sont à la fois, physicien, mathématicien, astronome, mais aussi astrologue et alchimiste. Isaac Newton, lui-même est disciple de Jacob Boehm.
« La bibliothèque du Babson Institute , près de Wellesley, Massachussets recèle quelques manuscrits jamais édités par lui et traitant de l’Alchimie »(« Les disciples anglais de Jacob Boehme » , La Tour Saint Jacques de S.Hutin, Ed.Denoël), mais selon lui l’influence du Maître sur le Disciple Newton, bien qu’évidente n’a pas été aussi déterminante que William Law veut le laisser entendre.
En 1663, la ROYAL SOCIETY établit une charte qui encourage l'amélioration des connaissances par l'expérimentation .
Ce n'est qu'un siècle plus tard, que COOK , La Pérouse et BOUGAINVlLLE développent le voyage scientifique ( Australie , N.Zélande , Polynésie, Malouines),que ROUSSEAU prononce son discours sur les sciences et les arts, que DIDEROT diffuse son prospectus de l'encyclopédie (1750) et son 1er Tome (1752).VOLTAIRE fait connaître son dictionnaire scientifique (1764), sa Bible expliquée (1776). En 1731 , l’académie de chirurgie est crée à Paris ;Parmi les Encyclopédistes d’illustres figures : Chambers, Condillac avec son Traité des sensations, Montesquieu avec son « Esprit des Lois », Jaucourt, collaborateur de Diderot dans la création de l’Encyclopédie. D’Alembert ,mathématicien, Condorcet, Economiste et mathématicien, D’Holbach et son Système de la nature (1770), Boulanger avec son Antiquité dévoilée (1768) , Robinet. Parmi ceux qui alimenteront entre autre le savoir :Lavoisier(chimiste), Buffon (naturaliste, 44 volumes sur les espèces), Réaumur (physicien et naturaliste, inventeur du thermomètre), Monge (Traité de statistique,1788) Parmentier, agronome et pharmacien.
En 1722, soit 5 ans après la création de la Grande Loge de Londres, un an avant les constitutions d'ANDERSON, Eugène PHILALETHE (Thomas Vaughan) publie les Long Livers manifeste adressé aux Frères Maçons et à « ceux de la classe supérieure » ( l'Ecossisme n’est pas né ), ce sont donc les Rose-Croix.
En 1728 : RAMSAY, l’ami de Fénelon et le protégé de Madame Guyon ,dont on dit qu’il est son proxénète amoureux, crée les hauts grades écossais.
En 1736 puis en1737, il assimile dans ses discours d’Orateur ,et progressivement, les 3 degrés à Novice, Profès, Adepte (Sceau Templier) . Il fait provenir la dénomination « Loge de St Jean » de l’Ordre de St Jean de Jérusalem, dénomination tardive de l’Ordre de l’Hopital, héritier des bien temporels de l’Ordre du temple et il associe les 3 degrés de la Maçonnerie aux 3 rangs des Ordres Religieux comme l’Ordre du temple (lettre au Marquis de Caumont : Apprentis ou Novices= vertus morales et philanthropiques, Compagnons ou profès= vertus héroïques et intellectuelles, Maîtres ou Adeptes= vertus humaines et divines) . Il publie enfin son Manifeste marqué de l'empreinte R +.
« Alors que son discours de 1736, tout imprégné de la Nouvelle Atlantide de Francis Bacon, était d’abord une profession de foi en l’ésotérisme tant du savoir salomonien que de l’architecture décrite dans la bible, le Discours de 1737, sans renier la pensée du Discours de 1736 à laquelle il fait discrètement référence est d’abord une profession de foi philosophique en la double universalité religieuse et humaniste . Il appelle donc les maçons a se réunirent pour la réalisation d’un dictionnaire encyclopédique ouvert au savoir universel. Le 1er discours est prononcé dans une Loge française composée essentiellement d’Anglo-saxons, le deuxième dans une Loge composée de français ». ( « Textes fondateurs de la tradition maçonnique-1390-1760 », de Patrick Négrier éditions sacrées Grasset.)
« En 1723, le livre des Constitutions parait. En fait, les loges anglaises ont été dès le début des sortes de club où le plaisir très vif du pittoresque est allié à l'esprit traditionaliste. La maçonnerie spéculative est un pur produit du terroir. Snobisme, conservatisme, curiosité, esprit extravagant sont autant d'éléments propices à l'épanouissement des thèses hermétiques. La maçonnerie anglaise délivre sans préjugés ni méfiance, les Patentes. » (Encyclopédie Groslier)
Jean Tourniac nous rappelle dans son « Principes et problèmes spirituels du Rite Ecossais Rectifié et de sa chevalerie templière » qu'on n'admettait dans les loges, ni Juif, ni Mahométans, ni Idolâtres, qu'on faisait prêter serment sur l'Evangile de Jean. (ref J.Baylot).
La « Défence of Masonery » imprimé en appendice à la 2e édition des Institutions (1738) dit textuellement : « la religion et uniquement la religion chrétienne est présente dans notre ordre, et il est si difficile de l'en séparer qu'elle est pour ainsi dire la base et le soutien de celui-ci ».
Le terme d'art royal dans les constitutions d'ANDERSON ne pouvait qu'attirer ceux qui à la fois s'estimaient en possession de cet Art (alchimie, magie et kabbale de David et de Salomon, disciples R+) mais aussi tout ceux qui croyaient que la maçonnerie la possédait déjà. D'où l'admission de cupides, d'opportunistes, de naïfs. Le simple fait que les alchimistes médiévaux influèrent sur les tailleurs de pierre pour transmettre quelques énigmes attira, tout comme les nostalgiques du templisme, les amoureux de l ‘Art.
Alec Mellor , dans son Introduction à « La FM au 18 eme Siècle » de R .Le Forestier, nous met en garde :
« Les initiations, vécues comme des techniques d'illumination, constituaient l'élément essentiel des Loges dans lesquelles on rencontrait souvent, en pays catholique, des hommes dédaigneux de l'Eglise Romaine, et chez les protestants, des nostalgiques du sacerdoce ». (sic)
« Malgré les divergences, la «régénération» demeure l'idée essentielle; elle est ce vers quoi il faut tendre. L'homme est ce qui doit être transmué, il doit retrouver son état d'avant la Chute ».
« Les Loges mystiques du dix-huitième siècle étaient souvent la Nouvelle Eglise de ceux qui voyaient dans l'alchimie beaucoup moins une technique qu'une ascèse; ne voulant point dépendre d'une Eglise hiérarchisée, ils éprouvaient le besoin d'un support matériel rassurant pour étayer leur religion spéculative. C'est pourquoi, comme l'écrit Paul Valery à propos de cette époque, «les adeptes se multiplient ; l'initié foisonne ; le charlatan abonde ».
On ne sera donc pas étonné, après cette affirmation de voir les mystiques et ésotéristes en hermétisme affluer dans les loges, et plus particulièrement, les alchimistes et les adeptes R+.
Ainsi Christian ROZENKREUTZ renaît, non plus, en 1494 en Allemagne, mais en 1723 et en Europe. Les Manifestes de la Fama et de la Confessio renouent avec la philosophie hermétiste de PARACELSE, FLAMEL, LULLE des liens distendus par l'inquisition dans un lieu sûr et secret avec la protection des grands de ce monde.
Sources: http://revue_initiation.tripod.com/Martinisme/Illuminisme06.htm