|
SOHRAVARDI ET LA VOIE DE L'ILLUMINATION
Shihâboddin Yahyâ Sohravardî naquit au XIIe siècle à Zamjân en Perse. Sa destinée ressemble à celle de Mani. Tout en enseignant, il voyagea à travers l'Iran et gagna à sa doctrine le fils de Saladin, sultan d'Alep, en Syrie. Ses idées et ses écrits soulevèrent contre lui beaucoup d'hostilité, et, à l'âge de trente huit ans, les chefs fanatiques de la religion établie finirent par l'évincer En 1191 emprisonné sur ordre de Saladin, il mourut peu après, probablement assassiné. Malgré sa courte vie, il laissa une oeuvre considérable, en arabe et en persan, et fut dénommé le «Maître de la Théosophie orientale » en raison de ses allégories panthéistes et hermétiques.

Une étape décisive, pour Shoravardî, fut sa compréhension qu'un enseignement spirituel vécu est bien plus qu'une expérience mystique. Son ouvrage le plus important, La Philosophie de l'illumination, expose différents degrés de développement: il reconnaît les théosophes ceux qui connaissent Dieu par expérience intérieure et les philosophes, ceux qui spéculent sur Dieu. Il y a évidemment une forme mixte «et les meilleurs chercheurs sont ceux dont la quête implique à la fois expériences intérieures et connaissances philosophiques. » Sohravardî dit de façon explicite: son oeuvre est destinée à ce genre de chercheurs «Les explications de ce livre s'adressent exclusivement à ceux qui sont pleins d'aspiration, qui ont l'expérience du divin, ou tout au moins qui s'efforcent d'y parvenir. La condition minimale requise du lecteur est que le rayon de la lumière divine l'ait déjà touché et que ce contact lui soit devenu habituel. »
Sohravardî se prononce clairement sur sa tradition spirituelle: « Grâce à ce que le transmets de la connaissance des lumières et de tout ce qui est établi là dessus, je soutiens tous ceux qui suivent la vole de Dieu. Ce fut l'expérience intérieure de Platon, et avant lui, d'Hermès, le père des sages. Jusqu'au temps de Platon lui même, il y eut des sages sublimes, propagateurs de la sagesse comme Empédocle, Pythagore et autres encore. Ils donnèrent leur enseignement sous forme de symboles qui ne furent jamais contestés. En effet, si on argumente contre leurs idées, on n'en saisit que l'apparence extérieure, non la signification intérieure, parce qu'on ne peut réfuter un symbole. C'est sur les symboles également qu'est fondé l'enseignement oriental de la Lumière et des Ténèbres, qui constituait la religion des sages de l’ancienne Perse. »
Sohravardî considérait que sa mission était d'insuffler une nouvelle vie à la sagesse ancienne qui, pour lui, recelait une force vivante capable de préparer une voie pour l'avenir. «La religion des sages de l'ancienne Perse n'est pas celle des mazdéens, magiciens impies, ni l'hérésie de Mani ou de quelque autre doctrine qui aboutit à multiplier le Dieu Unique. » Manifestement, étant donné les circonstances, Sohravardî a d'abord considéré Mani comme hérétique. Le thème de la « multiplication du Dieu Unique » donna lieu aux atroces persécutions des disciples de Mani. L'enseignement apparemment dualiste de Mani, l'opposition de la Lumière et des Ténèbres, allait contre les opinions en cours sur l'Unité divine absolue (Tauhid). Après examen, il est évident que le point de départ des propositions de Mani est l'unité absolue de Dieu, de même que pour Sohravardî, qui désavoua plus tard son jugement, et dont l'oeuvre, par ailleurs, contient beaucoup de thèmes manichéens. Le Récit de l'exil Occidental, l'un de ses principaux écrits, s'inspire du Chant de la Perle de Mani.
Son oeuvre, comme celle de ce dernier, est tout entière consacrée à la Lumière et baignée de Lumière.
A cette époque, dominait la question de la naissance du monde et de sa signification. Dans les régions où il répandait son enseignement, d'antiques représentations cosmologiques sur le sujet étaient tenues pour hérétiques et n'avaient aucune place dans la religion officielle, qui ne faisait qu'indiquer les lois et principes à suivre pour aller au paradis après la mort. Cependant, les images mentales proposées par Mani et Sohravardi étaient connues des Soufis, dont beaucoup étaient des ascètes cherchant à se purifier en fuyant le monde et défiant les dangers terrestres.
« LE BRUISSEMENT DES AILES DE GABRIEL »
C'est le titre du récit le plus merveilleux de Sohravardî, qui commence ainsi:
Je réussis un certain temps à me frayer un passage hors de l'appartement des femmes, et à me débarrasser des entraves et de la ceinture des petits enfants. C'était une nuit où l'obscurité à la noirceur de jais avait pris son envol sous la voûte azurée. Les ténèbres, alliées fraternelles du non être s'étaient répandue jusqu 'aux extrémités du monde inférieur Les assauts du sommeil m'avaient mis dans le désespoir. En proie à l'inquiétude, je me saisis d'une chandelle et me dirigeai vers les hommes de notre palais. Cette nuit là, Je circulai jusqu'au lever de l'aurore. Soudain le désir me prit de visiter le « khângâh » (cellule monastique) de mon père. Ce khângâh avait deux portes. L'une donnait sur la ville, l'autre donnait sur le jardin et la plaine immense.
J'allai. Je fermai solidement la porte qui donnait sur la ville et j'ouvris la porte qui donnait sur le désert. Alors je vis dix Sages d'une belle et aimable physionomie leur noblesse, leur majesté et leur splendeur m'émerveillèrent au plus haut point [...] Devant leur grâce, leur beauté, leur chevelure de neige, leur comportement, une telle stupeur se fit jour en moi Que j'en perdis l'usage de la parole. Saisi de crainte […] je fis un pas en avant pour faire aussitôt un pas en arrière. je me dis:
«Montre du courage! Prépare toi à les aborder. Advienne que pourra ! »
Pas à pas, le me mis à avancer et m'apprêtai à saluer, le Sage le plus proche de moi, mais son extrême bonté naturelle le fit me devancer et il m'adressa un sourire si plein de grâce que ses dents se reflétèrent dans mes prunelles. Malgré l'affabilité de son comportement [...] la crainte qu'il m'inspirait prédominait. je demandai: « Dis moi, ces nobles seigneurs, de quelle direction ont ils daigné venir ? »
Le sage: « Nous sommes une confrérie d'êtres immatériels. Nous venons du pays <, de nulle part ».
Je n'arrivais pas à comprendre: «A quel domaine appartient cette ville ? »
Le sage: « A un domaine dont le doigt ne peut indiquer la route. »
Cette fois je compris que le sage possédait la connaissance divine: « De grâce, instruis moi. A quoi occupez vous votre temps ? >, Et il me répondit «Sache que notre métier est celui, de coudre des vêtements. De plus, nous sommes tous des gardiens de la parole de Dieu, et nous voyageons. »
Moi : «Les Sages qui siègent au dessus de toi, pourquoi restent ils sans cesse en silence ? »
Le Sage: «Parce que toi et tes semblables vous n'êtes pas aptes à entrer en relation avec eux. je suis leur interprète, ils ne peuvent converser avec toi et tes semblables. »
Cet extrait montre le double aspect de la doctrine de l'auteur : l'âme est emprisonnée dans le monde, et elle doit fuir le monde. Elle doit commencer par s'éveiller puis s'en retourner, pour enfin atteindre au céleste. Ce récit montre l'arrière plan universel sur lequel l'auteur fonde son message.
Ténèbres et non être forment le monde inférieur. Quand l'âme s'éveille et veut se détacher du monde, elle doit quitter courageusement le chemin qu'elle suit en tant qu'individu et s'arracher au sommeil de la vie terrestre ordinaire. Enfin surgit l'aube, moment décisif dans l'enseignement de Sohravardî. Une brèche s'ouvre. Le héros entre dans la cellule de son père et peut, après avoir fermé la porte donnant sur la ville, délaisser le tumulte du monde, et entrer dans le désert pour y rencontrer les dix Sages. Il remarque que ceux ci viennent du pays de «nulle part», inexistant pour la conscience et les sens ordinaires. Alors commence un entretien où se révèle à l'âme la connaissance divine. La rencontre avec des Sages divins symbole de l'obtention de la compréhension supérieure revient souvent dans les récits de Sohravardî. Ce symbole se retrouve dans les écrits hermétiques, celui qui rapporte, par exemple, la rencontre entre Hermès et Pymandre:
« Un jour que je réfléchissais aux choses essentielles et que mon coeur s'élevait dans les hauteurs, toutes mes sensations corporelles s'engourdirent complètement comme chez celui qui, après une nourriture exagérée ou à cause d'une grande fatigue physique, est surpris par un profond sommeil, Il me sembla voir alors un être immense, d'une ampleur indéterminée, qui m'appela par mon nom et me dit: Que veux tu voir et entendre et que désires tu apprendre et connaître en ton coeur ? Qui es tu, lui dis je. Et il me répondis je suis Pymandre, le Noûs, l'être qui se suffit à lui même. Je sais ce que tu désires et je suis Partout avec toi. je désire être instruit des choses essentielles, saisir leur nature et connaître Dieu. Oh! Comme je désire comprendre!»
LÀ SE TROUVENT LES ÂMES HUMAINES
Les dix sages que l'âme rencontre dans le désert sont une image appartenant aux traditions philosophiques. Sohravardî se fonde ensuite sur l'enseignement du philosophe arabe Ibn Sina (981 1037), autrement dit, Avicenne pour les latins. On connaît surtout les théories d'Aristote et aussi celles de Platon et des néoplatoniciens. Mais avec Ibn Sina et Sohravardî, il y a démarcation entre la philosophie des péripatéticiens (disciples d'Aristote) et celle de l'illumination. Sohravardî continue l'oeuvre d'Avicenne, bien qu'il pense que celui ci n'avait pas trouvé la source de la vraie sagesse.
Tous deux prennent comme assise l'idée d'un être suprême dont provient une hiérarchie de dix émanations, les « intelligences » comparables aux dix séphiroth de la Cabbale. Chacune de ces intelligences crée une sphère céleste ainsi que l'âme qui anime celle ci. La dixième intelligence, la plus basse de la hiérarchie, ne constitue pas une sphère particulière, mais un ensemble. Là sont les âmes humaines. « Toutes les intelligences sont des lumières immatérielles divines. De la première intelligence procède l'être, le monde manifesté, sur lequel rayonne la Première Lumière, puis les intelligences se multiplient par la multiplication des émanations ; et plus elles descendent dans la hiérarchie, plus elles s'affaiblissent» écrit Sohravardî.
Ibn Sina ne donne aucune image mentale du drame cosmique de la chute, qui causa l'emprisonnement de l'homme ainsi que de son âme de lumière dans le monde inférieur. Les ténèbres sont comprises dans la première intelligence, à l'état latent, ténèbres qui deviennent de plus en plus épaisses en descendant dans la hiérarchie des intelligences. A la dixième intelligence, elles sont si profondes qu'il en émane le monde matériel obscur. Sohravardî illustre ce fait par des symboles. Les Sages du désert instruisent l'âme:
« Tout ce qui descend dans les quatre
parties du monde inférieur provient des
« ailes de Gabriel». Comment le
comprendre? dis je. Sache que le Dieu
suprême dispose d'un certain nombre de
Paroles majeures provenant de l'éclat de
son auguste Face. Ces Paroles forment un
ordre hiérarchique. La première Lumière
qui émane est la Parole suprême, car
aucune autre parole ne lui est supérieure
[ .. ] La dernière de ces Paroles est Gabriel,
dont sortent les âmes humaines [ .. ] Sache
que Gabriel a deux ailes. L'une, celle de
droite, est lumière pure. Cette aile, dans
son intégralité, fait le lien entre lut' et
Dieu. Et il y a l'aile gauche, en partie ténébreuse,
comme une tache sur le visage
de la Lune [ .. ] Le monde de l'erreur est
le reflet et l'ombre de l'aile gauche de
Gabriel, tandis que les âmes de lumière
proviennent de son aile droite. »
Sorahvardî continue. Il relie sa philo trouve la patrie originelle de l'âme qui, sophie aux considérations gnostiques de son temps. Le drame de la chute est pour lui d'une signification capitale. C'est pourquoi, dans un autre récit, il se réfère au Chant de la Perle de Mani, et il décrit la chute comme l'Exil occidental, d'où l'âme doit revenir. Le héros de ce récit voyage avec ses frères pour chasser dans le pays de l'ouest. Ils « tombent dans la ville dont les habitants sont des oppresseurs » (cit. du Coran). Là ils sont liés avec des chaînes de fer, jetés et emprisonnés dans un puits d'une obscurité et d'une profondeur infinies.
Ici Sohravardî fait allusion aux mondes de la Lumière et des Ténèbres radicalement séparés l'un de l'autre et sur la nécessité de se libérer des Ténèbres: «La puissance du monde supérieur est indéfectible car elle n'a aucune part à la nature soumise au non être. Il n'y a pas de libération pour ceux dont l'aspiration la plus haute n'est pas le monde divin et dont la pensée n'est pas tournée sur le monde de la lumière Sache qu'il y a trois mondes:
L un monde que les philosophent dénomment « monde de l'intelligence ». L'intelligence, dans leur terminologie désigne une substance qui ne peut pas être perçue matériellement et ne dispose pas d'un corps;
2. un monde appelé monde de l'âme. Bien que l'âme ne soit ni corporelle ni liée à un lieu particulier, elle a une action dans le monde des corps. Les âmes se répartissent entre celles qui agissent dans les domaines célestes et celles qui sont dans des corps humains;
3. un monde du corps en deux parties: le monde éthérique subtil et le monde matériel des éléments. »
Le premier monde est spirituel, il est « la raison de toutes les manifestations ». Entre les mondes spirituel et corporel se trouve la patrie originelle de l’âme qui en qualité d'«âme pensante», n'est pas prisonnière du monde des corps mais le régit.
UNE RELATION TEMPORAIRE
L'âme divine originelle est immortelle et reliée à l'Esprit de Dieu.
« Sache que l'âme ne cesse pas d 'exister, qu'elle n'occupe aucun lieu et n'apas d'antagoniste. Son principe est éternel et donc elle est elle même éternelle. Entre elle et le corps n'existe qu'une relation temporaire née du désir. A la rupture de cette relation l'essence ne l'âme ne se dissout pas. »
Dans son état originel, où elle doit revenir, elle est exempte des désirs du corps:
« Il arrive que l'agréable et le désagréable atteignent un être sans provoquer en lui plaisir ni souffrance. Si, par exemple, il estfrappé d'apoplexie ou pénétré d'une grande euphorie, il ne le sentira pas, pas plus que s 'il recevait des coups violents ou éprouvait du bonheur en présence de la personne aimée. L'âme absorbée par le souci du corps ne souffre pas plus des vices et ignominies qu'elle ne prend plaisir aux vertus et qualités. Cela en raison de la narcose qu 'engendre la nature. »
La façon dont Sohravardî décrit la libération de l'âme est gnostique et l'on y reconnaît des motifs manichéens. Il parle toujours de la victoire à remporter sur le monde des oppositions, victoire possible par l'orientation et le désir de la Lumière.
«Et que pensez vous de ces personnes de
noble apparence, dotées d'une forme éternelle et d'un corps temporaire, qui sont
sûres que leur être ne se perdra pas dans la
corruption parce qu'elles ont pris leurs dis
tances par rapport au monde des contraires ? Elles ne se font pas de souci car elles
ne sont Jamais séparées du rayonnement
de la Lumière suprême, ni de l'assistance
et du témoignage de la grâce subtile de
Dieu, vers quoi leur désir se porte indéfectiblement. Devraient elles cesser d'exister ?
Des âmes semblables appartiennent à la substance du royaume des âmes et elles sont retenues par les forces corporelles du monde. Quand l'âme est forte grâce à ses vertus spirituelles et que la puissance des formes corporelles faiblissent parce que moins vous les nourrissez, plus vous avez le pouvoir de veiller l'âme acquiert habituellement l'accès au monde divin. Elle parvient auprès de son Père et reçoit sa force, de telle sorte qu 'elle peut s 'unir aux âmes des sphères qui connaissent le fondement de leur existence et ses raisons. De son Père elle reçoit, dans l'état de sommeil ou de veille, les vérités divines, comme un miroir reflète l'image de la chose qui est devant lut". »
LE CHEMIN DE L'ILLUMINATION INTÉRIEURE
Ce qui est unique dans l'enseignement de Sohravardî est sa notion d'illumination au lever du soleil, à l'orient, « ishrâq ». Atteindre l'orient spirituel signifie l'accès à une nouvelle réalité * Cette notion symbolique de l'orient a donné son nom à l'école de Sohravardî. C'est une ancienne image gnostique, importante, par exemple, dans la Gnose valentinienne et dans la Pistis Sophia. On y parle des côtés droit et gauche qui indiquent respectivement l'orient et l'occident, la Lumière et les ténèbres, l'Esprit et la matière. Entre les deux se trouve l'âme, qui doit choisir l'un de ces deux côtés.
Sohravardî relie, de façon inspirée, l'illumination orientale à la sagesse originelle de la Perse, qui est pour lui une vivante réalité. L'éclat du bonheur et « la Lumière de Gloire » (Xvarnah), que, dit on, possédaient les anciens rois de Perse, est la Lumière divine qui rayonne dans l'âme esprit. Sohravardî témoigne que toute âme emplie de désir peut s'élever jusqu'à cette Lumière.
« Quand nous délaissons tous les soucis et occupations de la vie corporelle, que nous éprouvons la splendeur de la Vérité divine, le bonheur de la « Lumière de Gloire » et la Lumière qui afflue dans l'âme comme l'éclair cette lumière de l'aurore s'élevant à l'orient alors nous percevons la Lumière et nous accomplissons notre mission [J A celui qui possède cette sagesse, qui révère et loue constamment la Lumière des Lumières, comme nous l'avons écrit, il est accordé « l'Eclat royal» et envoyée la ,Lumière de Gloire». Un rayon divin l'enveloppe d'un vêtement plein d'éclat et de dignité. Il devient maître de la nature. L'aide du monde supérieur lui est octroyée et sa parole est entendue dans le monde céleste. Ses perfections et inspirations sont Parfaites. »
Selon Sohravardî, l'illumination libère l'âme déchue uniquement sur la voie de la préparation et de l'initiation par les Sages du désert. Il ne dit que peu de chose sur ce processus. Pour lui, la rencontre et l'entretien de l'âme avec l'un de ces dix Sages est une expérience intérieure que son âme fit en conséquence de son orientation vers la Lumière. Le Sage, pour lui, est une forme céleste qui apparaît dans toutes les religions et doctrines de sagesse.
Ce sont les dix intelligences, les émanations des philosophes, représentées sous forme des anges dans les théories apparentés. Dans l'hermétisme, apparaissent ainsi Pymandre ou le Père, dans le christianisme, le Saint Esprit ou Paraclet, et dans la gnose arabe, l'archange Gabriel.
L'initiation par les Sages symbolise en même temps la rencontre personnelle de l'âme avec sa forme céleste, et sa soumission à l'action du Père de toutes les âmes humaines. « Car chaque âme a un Aimé dans le monde suprême, àsavoir une lumière victorieuse et bénie, qui est la cause de son être, la pourvoit de sa Lumière et est l'intermédiaire entre elle et le premier Etre suprême. Par cette Lumière, elle contemple sa gloire et reçoit ses bénédictions. Le créateur de 1 'homme, l'auteur de nos âmes, celui qui les perfectionne dans la Perfection de la connaissance et de l'action, ne fait qu'un avec toutes les formes de la Lumière. Les philosophes le nomment l'intelligence active. »
Cette forme céleste est, du point de vue microcosmique et macrocosmique, directement accessible à l'âme éveillée. Elle annonce à l'humanité le monde divin. Le bruissement des ailes de Gabriel élabore et guide la création humaine. De l'aile droite de Gabriel, qui est pure lumière, émane la force salutaire vers les âmes déchues. « Car enfut transmise la révélation au prophète, et donnée l'explication et l'interprétation à la plus haute apparition divine, le Paraclet, comme le Christ l'a annoncée: je vais vers mon Père et votre Père, et il vous enverra le consolateur, qui vous révélera toutes choses cachées. Et il a dit aussi: Mais le consolateur, l'Esprit Saint que mon Père enverra en mon nom, vous enseignera tout ! >>
Le message de salut de toutes les religions et de toutes les sagesses accessibles au monde arabe, Sohravardî le révéla grâce à l'expérience concrète et à la compréhension vivante qu'il en avait à l'instar des gnostiques. Cette vision et compréhension se dévoilent intérieurement par une orientation incessante sur l'orient de la Lumière des Lumières.
1) Adaptation des citations de Sohravardî d'après Henri Corbin, L'archange empourpré, Fayard, 1976.
2) « Non être » a ici le sens contraire de cette notion, par exemple, dans La Gnose chinoise chap.1, et représente le terrestre.
3) Jan van Rijckenborgh, La Gnose originelle
Date de création : 17/09/2009 • 09:55
Dernière modification : 17/09/2009 • 09:55
Catégorie :
Page lue 5161 fois
Imprimer l'article
|
|