Entretien avec Ervin Làszlô
Dans un entretien avec Ervin Làszlô, celui-ci par¬la de la Rose-Croix d'Or comme de « I'une des plus importantes organisations spirituelles de ce temps », en raison de son incessante ardeur à prôner le changement de conscience décisif face auquel se retrouve I'humanité :
« Un autre point important est la redécouverte des antiques conceptions spirituelles, fondées sur I'esprit quel que soit leur arrière-plan. Et le point de départ fondamental de toutes ces notions culturelles vieilles de milliers d'années est : nous faisons partie d'une unité globale, d'une seule et unique grandiose communauté. Donnons-lui le nom de Gaia, ou de notre Mère la Terre, cela n'a aucune importance, il s'agit toujours d'une unité cosmique. Et la découverte importante est que cette unité cosmique n'est pas qu'une image : au niveau quantique, donc sur un plan très subtil, nous sommes Iiés les uns aux autres, nous avons une grande influence les uns sur les autres.»
Vous signalez, en de nombreux endroits de votre oeuvre, la toujours plus grande profusion d'informations et les jonctions que différentes disciplines arrivent à faire entre elles, ce qui fait qu'une transformation de la conscience serait nécessaire et décisive pour l'orientation de l'humanité tout entière.
D'après certains points de vue, c'est notre mère Gaia, la terre, qui serait la cause de notre situation, mais aussi les étoiles et le cosmos. Beaucoup d'anciens sages et de maîtres, ainsi que les Rose-Croix du dix-septième siècle, ont dit que les rayonnements cosmique augmenteraient d'intensité, ce qui .obligerait l'humanité à réagir, que de la sorte de rands changements surviendraient et que la conscience humaine se modifierait totalement. Partagez-vous ce point de vue ? Voyez-vous que nous sommes en train d'évoluer pour devenir des êtres cosmiques, et conscients de beaucoup plus de choses que de la simple survie des plus forts ?
Je pense que c'est nécessaire. L'évolution de la conscience n'est pas seulement une possibilité ou une option, elle est devenue obligatoire pour .assurer notre survie. La conscience humaine actuelle va entraîner la fin de ce monde. Elle a créé une situation mondiale catastrophique. C'est une conscience fragmentaire, égocentrique, nationaliste, orientée sur l'Occident, et l'Europe en particulier. Elle n'a rien de planétaire, elle n'est nullement éthique, et elle est incapable d'assurer la vie de six milliards et demi d'êtres humains. Son évolution et son changement sont donc de rigueur.
Je crois voir se produire dans ce domaine une accélération, parce qu'émergent de plus en plus de nouvelles valeurs culturelles. De plus en plus de gens se rendent compte de leur responsabilité, de l'idée de conservation du monde et de l'humanité, et du fait que tous les êtres humains sont liés les uns aux autres. Il y en a qui disent que cette accélération est provoquée par les énergies à haute fréquence qui agissent sur la terre sous forme d'influences extra-terrestres. Je pense que c'est possible mais nous n'en avons pas de preuve scientifique. Ce qu'on peut affirmer c'est qu'apparaissent plus rapidement que jamais de nouvelles formes de société et que c'est bon pour l'avenir car sans nouvelle conscience, il ne peut y avoir de nouvelle société, et sans une nouvelle forme de société on ne pourra pas survivre sur cette terre.
Peut-on mesurer ces rayonnements de façon scientifique ? Peut-on mesurer ces influences exercées sur la planète ? De différents côtés on entend dire que la fréquence vibratoire du rayonnement fondamental de la planète a augmenté à cause des rayonnements cosmiques de fond, ou de l'augmentation d'intensité du rayonnement solaire.
Ce que nous pouvons mesurer sur le plan physique a trait essentiellement aux fluctuations des champs électromagnétiques et ceux-ci dépendent de l'activité du système solaire, en particulier du soleil. On peut mesurer cela, et il en ressort qu'à la fin de 2012 cette activité atteindra un sommet et déclenchera un déplacement de la polarisation magnétique de la terre. Nous le savons. C'est important, mais plus important encore ce sont les informations que le cerveau peut saisir. Nos instruments ne sont pas si sensibles que notre cerveau et notre système nerveux, et il y a beaucoup de perceptions que notre cerveau enregistre alors que nos instruments les plus sensibles en sont incapables.
D'abord, ces instruments devraient pouvoir enregistrer de façon interactive.
Vous mesurez les choses en étant en contact interactif avec leur énergie. Or les énergies extrêmement subtiles ne sont plus, sur le plan physique, des choses objectives. Ce que le cerveau est capable de percevoir en quelque partie de notre conscience peut ne pas être une information énergétique passive ordinaire (comme dans la perception d'une chose physique concrète). On la qualifie d'information active. C'est David Bohme (1917-1992) qui a découvert cela. Le « je veux » représente une énergie subtile mais ce n'est pas quelque chose que nous puissions mesurer physiquement de façon normale. C'est pourtant bien une réalité, elle apparaît au niveau quantique, non local. Elle est interactive et communicative au niveau de la conscience humaine.
Cette information est-elle le facteur le plus important concernant le changement de conscience ?
Elle donne à la conscience la possibilité de changer. C'est une bonne question que de se demander si la conscience peut évoluer d'elle même, mais il est certain qu'elle évolue quand elle reçoit une stimulation. A ce point de vue, cette stimulation apparaît de nos jours sous forme d'une menace de plus en plus grande et cette menace pèse lourd sur notre conscience. Si tout allait bien dans notre monde, il n'y aurait pas besoin de changement. Les hommes, à l'heure présente, s'ouvrent de plus en plus aux possibilités alternatives.
Vous avez été un bon pianiste et vous l'êtes encore. Si nous considérons la quantité impressionnante de vos publications, on est forcé de conclure que vous vous êtes beaucoup penché intellectuellement sur les conditions de l'existence humaine. Pourtant si nous étudions les écrits et les avertissements de l'enseignement universel de toute l'humanité, nous y entendons souvent parler d'une nouvelle liaison, d'une unité harmonieuse de la tête et du cœur: C'est que le coeur est l'organe le plus sensible aux nouvelles vibrations cosmiques supérieures du « champ A »'. Votre approche n'exclut certainement pas l'homme dans ce qu'il a de non scientifiquement observable. Considérez-vous le rôle des activités intérieures du cœur ?
Je dois en rester à la nature de notre société et à la manière dont nous percevons l'information. Je pense qu'une grande masse d'informations ne nous parvient pas tout simplement parce qu'elle passe par le filtre d'une certaine mentalité occidentale et matérialiste conditionnée par la recherche expérimentale. Il ne faut plus avoir l'esprit aussi scientifique.
Si nous pensons d'une manière scientifique étroite, rationaliste, c'est plus grave que vous ne l'imaginez, car alors nous n'avons plus la capacité d'être réceptifs aux informations en provenance d'autres origines.
Si vous dites que ce qu'elles rapportent ne peut pas exister, vous bloquez alors ces informations et ne pouvez pas non plus les percevoir. En gros, vous pouvez dire que vous ne croyez qu'en ce que vous percevez. Au fond il faut, non pas se pencher sur les choses de façon scientifique, mais être sensible à nos intuitions, à la cohésion sous-jacente des choses et au lien naturel qui nous relie tous, ainsi qu'à la biosphère et au cosmos. C'est pourquoi je pense que la rationalité mal appliquée est plus dangereuse que tout
Vous avez abordé un sujet intéressant, la liaison naturelle entre tous, la solidarité. Vous en parlez dans votre livre « Le champ de l'Akasha », et dans un autre sur les systèmes thermodynamiques ouverts qui évoluent. Vous dites aussi que les opinions des hommes sont des combinaisons extrêmement développées de systèmes. J. van Rijckenborgh, insiste toujours sur l'unité de groupe ; et de même sur la nécessité de développer un système très différent ne prenant pas en compte la conscience individuelle avec toutes ses limites. Il souligne que l'étape, dans la période qui vient, est celle où l'homme doit tâcher de travailler et vivre en unité de groupe. Ce propos n'évoque-t-il pas votre point de vue ?
Les humains se sont toujours efforcés entre eux d'atteindre des buts qui dépassent les modèles égocentriques. Nous n'avons jamais été des individus vraiment égocentriques, à part Robin¬son Crusoé. Nous faisons toujours partie d'une société quelle qu'elle soit. Au cours de notre histoire, le sentiment de communauté a toujours été plus fort qu'il ne l'a été ces deux cents dernières années en Occident. En effet, il s'y est développé un « moi », une personnalité, de plus en plus individualiste. La personnalité, l'individualité de l'occidental, a beaucoup augmenté dans la société.
Cependant, aussi bien les individus que les groupes qui reconnaissent et prennent leur responsabilité sont nécessaires. Un célèbre écrivain a dit : « L'homme, comme toute chose, forme un tout en tant que système organisé, mais à son tour, il est aussi une partie d'un tout plus grand. »
En ce moment nous devons nous intégrer à une communauté, car notre communauté change. Nous ne sommes plus seulement une famille, une tribu, un village, une ville ou une nation ; nous vivons en contact avec toujours plus de monde en formant une communauté globale. Les échanges d'informations sur le plan mondial par les moyens de communications modernes jouent en cela un grand rôle. Notre société est peu à peu devenue mondiale. Le grandproblème c'est que nous réagissons toujours avec une conscience tribale, souvent de tendance tout à fait chauviniste. S'agissant d'une ville, d'une ethnie ou d'un pays, nous partons de l'idée que « nous en faisons partie », et que ce sont « les autres » qui occupent le reste du monde. Maintenant ce n'est plus possible. Parce que tout ce que nous faisons se retourne contre nous, en d'autres mots, ce que nous faisons aux autres, nous le faisons à nous- mêmes.
Pour vivre dans une communauté comme la société mondiale, nous devons développer une forme d'unanimité. Ce village global (mondial) nous concerne parce que c'est la communauté de tous les humains, la communauté de tous ceux qui vivent sur cette terre ! Et, jusqu'à un certain point, c'est une communauté que nous connaissons très peu : l'unité de toute vie dans le grand univers. La chose est certaine, niais nous ne possédons pas d'information détaillée à ce propos.
Si nous faisons le bon choix, voyez-vous alors la possibilité d'une évolution menant la conscience individuelle jusqu'à une conscience planétaire, et peut- être encore plus loin, à une conscience cosmique ?
Si nous parvenons à survivre !
Mais y a-t-il évolution / développement automatique ?
Non, l'évolution n'est jamais garantie
Est-ce une question de choix à faire ?
En qualité d'hommes conscients nous avons le pouvoir de juger de nos possibilités et de faire des choix délibérés. Ainsi pouvons-nous ne pas exercer une rationalité trop étroite fondée sur notre mental étriqué. Nous devons acquérir une rationalité holistique en pensant à la cohésion de tout dans l'univers, dans le système vital entier où nous existons. L'univers constitue une totalité vivante qui évolue sans cesse. C'est un tout cohérent dont nous faisons partie, mais si nous ne le comprenons pas, alors il y a rupture entre lui et nous, ce qui est très dangereux pour nous ! Et pour la planète elle-même !
Vous vous penchez sur le sujet depuis plus de dix, vingt ans.
En fait depuis quarante cinq ans, mon premier livre a paru à La Haye en 1953. (De ses nombreux livres, six ont paru aux Pays-Bas).
Après tout ce temps-là, étant donné que nous nous rapprochons rapidement d'une situation présumée chaotique, êtes-vous encore optimiste touchant le changement de conscience ? Car on se demande toujours comment les choses vont tourner.
J'ai de l'espoir. Je ne suis ni optimiste ni pessimiste, j'essaye de rester actif. Ou plutôt je m'en tiens au mot « possibilité ». Le slogan qui accompagne les élections présidentielles aux Etat-Unis résume mon point de vue : Nous pouvons y arriver progressivement, nous avons constitué une société mondiale, mais nos réactions sont toujours d'un chauvinisme tribal .
Et c'est pourquoi ce congrès a lien, ici, aujourd'hui.
Il s'agit du but individuel que poursuit chacun, on l'a dénommé le « facteur humain ». Argent et technologie sont choses importantes ainsi que la politique et le pouvoir, mais les valeurs individuelles sont les clefs de l'affaire. C'est encore ce qu'il y a de plus important : car technologie et politique suivront toujours, c'est obligé. Einstein a dit un jour : « Impossible de résoudre les problèmes avec le pouvoir mental qui les a créés. » Appliquez les meilleurs techniques, cependant si vous restez attachés à vos anciennes façons de penser, vous ne faites uniquement que conserver l'ancien système vermoulu et rien ne change.
Comment envisagez-vous actuellement l'année 2008, sommes-Trous en route vers la filasse critique qui déclenchera le grand revirement ?
Nous voyons arriver le chaos ; une ouverture, une fenêtre s'ouvre dans le temps. Je crois par conséquent que tous les choix critiques sont possibles. Ce dont nous devons devenir le plus conscients est le changement climatique et le réchauffement de la terre. C'est ce qu'il y a de plus visible à l'heure actuelle. Il reste cependant aussi à résoudre les problèmes concernant les besoins de nourriture et d'eau, l'augmentation des maladies, la surpopulation des villes et la pauvreté. Sur le plan du changeaient climatique, au moins, les media attirent largement l'attention.
Et voyez-vous qu'il se passe quelque chose ?
Il faut que l'on se rende compte que le monde ne peut survivre. Et il est important de comprendre que le temps dont nous disposons est plus court que nous ne le pensons. Il n'est pas exclu qu'en dix ans il puisse avoir lieu des transformations essentielles ; il est même possible qu'à la fin de 2012, nous avons changé en ce qui concerne l'emploi de l'eau, de l'air, du sol, etc.
Au cours de ces quarante cinq années, avez-vous constaté que le public ait changé touchant sort inquiétude an sujet de la terre.
Il n'est pas devenu plus conscient des problèmes de la planète. Je veux dire que la première ébauche dans ce sens a eu lieu en 1972 avec le premier rapport du Club de Rome. Personne n'y a parlé des problèmes planétaires, il a été uniquement question de la liberté, de la politique, de la justice économique et autres choses semblables. Les problèmes de
l'humanité n'y ont pas été abordés. Ils ont surgi ces deux dernières années et ils sont mis sérieusement en évidence. En ce qui les concerne, nous pouvons parler d'une progression exponentielle de la conscience !
* Le champ A est le champ de l'Akasha, le champ subtil de « l'information au niveau quantique » capable de changer les consciences. Cf. aussi , Elvin Làszlô, Le champ de I'Akasha, mémoire du cosmos et de la conscience, Deventer, 2007
Ervin Làszlô enseigna la philosophie, la systématique et la futurologie à Yale et Princeton ; il fut, entre autres, directeur des programmes à l'institut pour la formation et préparation des Nations Unies (UNITAR) et est fondateur et président du Club de Budapest où les artistes, les scientifiques et les
penseurs « dans le vent» s'engagent pour un monde meilleur. A ce groupe appartiennent , entre autres, le Dalai Lama,Vaclav Havel, Michaël Gorbatchev et Desmond Tutu.
David Bohm, 1917-1992, partait de l'idée que la matrice ou plan de l'univers - l'esprit primordial de celui-ci — était présent dès le tout début de son apparition. Le déploiement de l'univers et l'évolution entière qui a suivi représentent un processus de réactions interactives à partir d'une informa¬tion active. La vision de Bohme à également .rait à la société et à la transformation de la conscience humaine.
-12 pentagramme 3/2008