L'ENSEIGNEMENT D'HERMÈS
De toutes les créatures de la nature, l'homme
seul est double », affirme Pymandre dans
le Corpus Hermeticum.
Le système humain comprend, d'une part, la semence de l'immortalité, l'étincelle d'Esprit appelée encore rose du coeur et, d'autre part, l'être humain mortel, la forme naturelle. Vous ne pouvez trouver aucune autre créature d'un semblable caractère double. C'est par la chute des fils de Dieu originels qu'est née cette situation singulière, que la semence de l'Esprit s'est différenciée dans des myriades d'entités mortelles ; et que ces myriades pourront ensemble faire croître le peuple des enfants de Dieu jusqu'à devenir une « multitude que personne ne peut compter ». Ainsi arrivera-t-il que tout ce qui, au commencement, fut péchés et dettes avec toutes leurs conséquences, arrivera finalement à se transformer en une magnificence plus grandiose que jamais auparavant, en une bénédiction que nul n'aurait soupçonnée.
Cependant, si cette magnificence veut apparaître, une intervention puissante est nécessaire, inter-vention que beaucoup d'événements doivent pré-céder ou accompagner. Mais que cette possibilité, que ce mystère extraordinaire, fasse, de la chute, du péché et de nos dettes, une bénédiction est la preuve que l'Esprit et l'Amour sont toujours vainqueurs.
Qui arrive à comprendre le fondement de son être naturel est mis à même de se libérer de sa dualité et de retourner à sa nature divine originelle. Comprenez bien que si vous êtes conscient de posséder une étincelle d'Esprit, conscient de votre dualité : que, d'un côté, vous êtes un être naturel et, de l'autre, que vous posséder la rose du coeur, vous avez le pouvoir de redevenir l'homme primordial véritable.
Vous voyez la possibilité de la libération si vous êtes conscient de posséder une étincelle d'Esprit. A partir de ce moment, vous n'êtes plus, en tant qu'être naturel, personnellement coupable du pé-ché, car, né de la nature, vous ne faites qu'un avec la dualité. La marche des choses dans le septième domaine cosmique, est inéluctable pour toute entité de la nature. Mais, comme possesseur de la rose, vous pouvez devenir conscient d'une indignité existentielle, du manque de sens de l'existence. C'est cela la conscience du péché telle que l'envisage depuis le commencement l'Enseignement universel : l'Homme véritable spirituel doit devenir conscient de son emprisonnement et par conséquent de son état d'être du moment.
La conscience du péché, selon le verset 39 de Pymandre, est la conscience de son immortalité, de son pouvoir sur toutes choses tout en subissant la condition des êtres mortels et en reconnaissant sa soumission au destin; autrement dit, être supérieur au monde de la dualité et cependant en être l'esclave. Savoir que « le Père est en moi, lui qui, sans jamais dormir, règne sur moi » et que pourtant, « je suis prisonnier du pouvoir de l'inconscient. » Telle est la conscience du péché. Il ressort des paroles d'Hermès que ses élèves comprennent la situation. Mais la plupart des hommes s'étonnent de ce mélange du naturel et du spirituel, et du drame qui en est clairement résulté : la chute et, en conséquence, le sentiment de culpabilité. Cependant l'Esprit veut vaincre et doit vaincre en s'étant divisé en millions de parcelles, lesquelles ont reçu le pouvoir de redevenir enfants de Dieu.
« Ce que je vais te dire, » dit Pymandre au verset 41,
« est le mystère resté caché jusqu'à ce jour. La nature devenue une avec l'Homme produisit une merveille étonnante [...]. La terre était la matrice, l'eau l'élément générateur, le feu porta à maturité le processus de for¬mation ; la nature reçu, de l'éther, le souffle de vie, et elle engendra les corps selon la forme de l'Homme. »
Lorsque Pymandre parle de l'homme, il envisage l'Homme originel, l'Homme divin. Pour le reste il parle simplement du corps, de la forme naturel¬le. Le corps est une image de l'homme apparent. Pymandre indique ensuite comment la forme naturelle fut engendrée par des radiations éthériques et astrales de la nature matérielle. Cette forme naturelle est le corps, c'est ce que l'on appelle l'être humain. Mais quelle erreur ! Elle s'explique du fait que la forme naturelle possède une vie propre, une conscience, bref, qu'elle est un être vivant. En réalité, il y a en vous deux vies : la vie originelle et la vie naturelle. Pymandre l'exprime ainsi :
« L'Homme véritable est issu de la vie et de la lumière.
Issu de la vie divine, l'Homme véritable devint un être-âme.
Issu de la lumière universelle il devint un esprit,
c'est-à-dire un être sensible dont l'âme
est exceptionnellement reliée è l'Esprit. »

L'homme véritable possède un cœur pur, il est le cœur, il habite le cœur de la forme naturelle comme un dieu.
L'Homme véritable, nous le découvrirons par la suite, est bisexuel, mais masculin ou féminin du point de vue de la forme. Car les formes naturel¬les furent séparées sexuellement. La forme naturelle est donc unisexuelle : soit mâle, soit femelle. Il y a des êtres-âmes masculins ou féminins, non séparés sexuellement. Mais la forme naturelle se montre toujours dans la séparation des sexes telle que nous la connaissons. Et ceci afin que le plan de sauvetage s'accomplisse par l'expérience continuelle et la naissance continuelle de la forme naturelle. Grâce à ce broiement incessant dans la nature de la mort, à cette vivification continuelle du microcosme, il existe toujours une possibilité concrète de participer à nouveau à la vie originelle. [...]
Bénie soit la loi valable pour tout vrai Rose-Croix qui dit que « celui-ci ne désirera pas vivre plus longtemps que Dieu ne le lui permettra, » car l'homme du monde de la dualité, poussé par son état naturel, court toujours le danger de sombrer au-dessous du niveau normal de l'ordre de ce monde. La séparation sexuelle est là pour que naissent continuellement de nouveaux êtres naturels, et la vie veille à ce qu'ils meurent en • leur temps. Ainsi le plan de sauvetage se réalise à travers la dure école des profondes expériences. Et c'est ainsi que l'on parcourt le chemin de la connaissance de soi. La séparation des sexes en est la condition. Car la roue de la naissance et de la mort continue ainsi de tourner sans interruption. Et, dit Pymandre, la marche à travers la vie est l'indispensable école de l'expérience.
Celui qui est poussé en avant dans cette école de vie et possède l'âme-esprit. autrement dit celui dont le sanctuaire du coeur peut vibrer en harmonie avec la rose et est ouvert à la lumière gnostique, connaîtra un jour sa vraie nature et en sentira profondément la dualité. Celui-là saura alors que l'amour de la forme naturelle et les désirs sont la cause de la mort avec toutes ses conséquences. C'est ainsi que s'introduisit le mé¬lange et s'institua la génération des espèces par la séparation des sexes, dans le règne animal et le règne végétal. Celui qui arrive sur cette voie à la connaissance de soi est conduit sur le chemin des hommes-âmes ; mais celui qui reste prisonnier de la forme naturelle continue d'errer dans les ténèbres et ressent douloureusement ce qu'est la mort.
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Comme être né de la nature, vous ne pouvez re¬nier la forme naturelle et la refuser qu'en vertu de votre aspiration consciente et de vos énergiques efforts pour redevenir un être-âme. Mais si vous ne cherchez pas le chemin d'en haut ou que vous ne vouliez pas le suivre et que vos passions hormonales naturelles restent totalement identiques ; et si la forme naturelle stagne dans ce feu hormonal, il est logique que se produise un développe¬ment contre nature. [...]
Au sujet du verset 48 du livre de Pymandre, il est encore un aspect à signaler car ce verset est sou¬vent mal compris : « Celui qui a aimé le corps issu de l'erreur du désir, continue d'errer dans les ténèbres. » On a souvent compris cela comme un avertis¬sement de la philosophie hermétique contre le mariage terrestre et ce qui y est relié. Il ressort au contraire de la Gnose originelle que la séparation des sexes et ses conséquences est une nécessité pour tenir en mouvement la roue de la naissance et de la mort. Par ces mots : « aimer le corps issu de l'erreur du désir », il est envisagé l'amour pour la nature du monde de la dualité, amour qui a eu pour conséquence l'apparition de la forme naturelle mortelle.
Et que vous conceviez cela, marié ou non, seul ou deux, dégoûté de la nature ou non, cela ne fait aucune différence. Qui veut échapper à la forme naturelle conformément au plan divin de la rédemption, doit renoncer intérieurement au monde de la dualité et à tout ce qui lui est inhérent pour parcourir la voie de l'âme, le chemin de retour vers le Haut.
Si l'on empêchait un jour l'humanité de suivre le cours de sa nature, et si, comme on essaie de le faire, on réussissait à prolonger la vie, ce serait la fin irrévocable ; car l'humanité de cet ordre de secours sombrerait rapidement au-dessous du niveau des lois de la nature.
Chérir la forme naturelle, se confondre avec elle, et en faire fondamentalement l'homme véritable telle est la faute qu'incrimine Hermès au verset 48.
Si vous comprenez tout cela et vous demandez comment parvenir à la purification qui conditionne la montée vers la libération, sachez que la pureté à laquelle beaucoup aspirent si ardemment ne se trouve que dans la septuple purification du sanctuaire du coeur. Le cœur, dans un certain sens, est la demeure de la rose. Il est le miroir de la Lumière universelle. Le cœur est Dieu.
Pymandre parle au candidat dans le cœur.C'est pourquoi tout élève sérieux de la Gnose tend vers la septuple et véritable purification de son cœur. Lorsqu'un être humain se purifie ainsi, la Lumière fait en lui sa demeure. La vie des sentiments change alors totalement ainsi que les pensées ; et les activités se mettent en conformité avec cette purification. Cet être devient pur en tout. Ses fonctions hormonales ayant changé, il entre dans « la sphère du Bien » dit Pymandre ; et, là, s'accomplit la véritable croissance de l'âme 0
Pymandre, versets 37-48
37 Et lui, apercevant dans l'eau de la nature le reflet de cette forme si semblable à lui, s'éprit d'amour pour elle et voulut habiter là. Ce qu'il voulut, il le fit à l'instant et vint habiter la forme privée de raison. La nature, recevant en elle son amant, l'étreignit tout entier et ils ne firent plus qu'un car le feu de leur désir était grand.
38 Voilà pourquoi, seul de toutes les créatu-res de la nature, l'homme est double, à savoir mortel selon le corps, et immortel selon l'homme fondamental.
39 En effet, bien qu'immortel et souverain de toutes choses, l'homme subit néanmoins la condition des mortels, car il est soumis au destin. Donc, tout en provenant d'un do-maine supérieur à la force de cohésion des sphères, cette force le tient en esclavage: et tout en étant masculin-féminin parce qu'issu d'un Père masculin-féminin, et exempt de sommeil parce qu'issu d'un être exempt de sommeil, il est néanmoins vaincu par la convoitise des sens et le sommeil.»
40 Je lui dis: « O Esprit qui est en moi, je suis, moi aussi, épris de la Parole! »
41 Pymandre dit: « Ce que je vais te dire est le mystère resté caché jusqu'à ce jour La nature, s'unissant à l'homme, procréa une merveille étonnante. L'homme avait en lui, je te l'ai dit, l'essence des sept Recteurs, compo¬sée de feu et de souffle; la nature, elle, mit au monde sans délai sept hommes correspon¬dant à l'essence des sept Recteurs, à la fois masculins et féminins, à stature verticale.»
42 Alors je m'écriai: « O Pymandre, je brûle maintenant d'un désir extraordinaire de t'entendre. Continue, je t'en prie! »
43 « Fais donc silence,» dit Pymandre, « car je n'ai pas achevé mon premier discours! »
44 «Je me tais, » répondis-je.
45 « Eh bien! La génération de ces sept premiers hommes eut lieu, je te le disais, de la manière suivante: la terre fut la matrice, l'eau, l'élément générateur, le feu porta à maturité le processus de formation, et de l'éther la nature reçut le souffle de vie et en-gendra les corps selon la forme de l'homme.
46 Et l'homme issu de la vie et de la lumière, devint âme et esprit ; la vie devint âme, la lumière devint Noûs. Et tous les êtres du monde sensible demeurèrent ainsi jusqu'à la fin du cycle et jusqu'au commencement des espèces.
47 Ecoute maintenant ce que tu désirais entendre. Ce cycle ayant pris fin, le lien
qui unissait toutes choses fut rompu par la volonté de Dieu. Car tous les animaux qui étaient jusqu'alors à la fois masculins et fé-minins furent, comme l'homme, divisés selon ces deux genres, certains devenant mâles et d'autres femelles.Aussitôt Dieu exprima la Parole sainte :« Croissez en accroissement et multipliez en multitude, vous tous qui avez été créés et faits. Et que celui qui possède le Noûs sache qu'il est immortel et que la cause de la mort est l'amour du corps et de ce qui est terrestre.»
48 Dieu ayant ainsi parlé, la Providence unit les couples par le moyen du destin et de la force de cohésion des sphères, et établit la reproduction et tous les êtres se multipliè¬rent chacun selon son espèce ; et celui qui se reconnaît lui-même immortel est élu entre tous, tandis que celui qui aime le corps issu de l'erreur du désir, continue d'errer dans les ténèbres et doit souffrir l'expérience de la mort. ».
Source :
d'après J. van Rijckenborgh, La Gnose Originelle Egyptienne, tome I, chap.8, Ed. du Septénaire, rue Tourtel Frères, 54116 Tantonville, France.