L'auto-franc-maçonnerie de l'homme nouveau
Dans cet ordre mondial dialectique, deux points de Vue, deux lignes d'orientation, se dressent, face à face.
D'un côté, les groupements religieux-orthodoxes et sa constatation : l'homme n'est rien, le monde est aux mains du malin ; c'est de l'au-delà que la félicité éternelle nous fait signe. De l'autre, règne l'humanitarisme aux nuances riches et bigarrées de religion et d'athéisme, aux aspects ésotériques, politiques et sociaux, prétendant : que l'homme est bon, que le monde est bon, qu'il n'y a que des résistances à vaincre, des déformations à redresser. D'une part, le conservatisme le plus borné, de l'autre, l'élément progressiste.
« Le monde est aux mains du malin » pense et déclare l'homme conservateur, « hélas ! - mais Dieu a précipité le monde dans le mai - donc aucun changement fondamental ne peut être apporté - car cet ordre est compris comme punition de nos péchés. Ordre dans le désordre, il est impie. Ordre dans le désordre ... il nous réconcilierait avec quelque chose qui n'est pas inclus dans le Plan divin. C'est pourquoi tout est bien ainsi. »
En conséquence si quelqu'un est au sec, dans cette mer de larmes, et si un autre a une bonne petite place au chaud dans ce monde glacé ... Dieu l'a voulu ainsi
Qu'un troisième, déchet social, se traîne vêtu de guenilles ... Dieu l'a voulu ainsi ! Qu'un quatrième, malade, se débatte au milieu d'horribles souffrances physiques ... c'est la punition de ses péchés ... Dieu l'a voulu ainsi !
« Non », confessent et témoignent les autres, l'homme est bon et le monde est bon ... Dieu l'a voulu ainsi et, s'Il ne l'a pas voulu ainsi, c'est qu'un démon s'est emparé de ce monde ... et il n'y a pas de Dieu ! L'égoïsme et le pouvoir de la bêtise, le désordre économique et social, la transgression des lois élémentaires de vie, sont les causes du désordre. »
« Aiguisez faux et faucilles et ... en avant. Que la justice sociale, l'égalité économique, l'aide à tous, les pensées humanitaires, les beautés de l'art et la consolation qu'il nous donne, un nouvel épanouissement mystique, selon l'esprit, l'âme et le corps, combattent la pauvreté et la bêtise, le crime et la prostitution, les guerres et tout ce qui afflige le monde et l'humanité. »
« Que les grandes pensées d'humanité des derniers siècles animent la jeunesse. Et que les poètes chantent leurs hymnes, leurs poèmes, dédiés à la Lumière qui viendra inévitablement, et à l'aurore qui fait signe : Venez, hâtons-nous ; le chant magique tient bon. Elle se fraye un chemin à travers les terres, les mers et la nuit. »
Les têtes se redressent, les fatigués, les opprimés reprennent confiance. Ils dressent leurs bannières et se mettent en marche ... et des milliers tressaillent à l'ouie des pas de ces légions.
Comme il y a encore de la beauté et de l'héroïsme dans la vallée crépusculaire de la nature terrestre Remarquez comment des forces formidables en sommeil s'éveillent et se font entendre sur ce monde, grâce à cette poussée vers la bonté, la vérité et la justice !
De même que, d'un côté la conscience vit dans l'idée que : tout est désespéré ! Il y a aussi indéracinable, ce désir dynamique qui peut, tel un volcan, s'extérioriser par des actes, élever la tête au-dessus des brouillards gris et crier au monde : « Viens avec nous, camarade, au-devant du matin ! »
Si vous comprenez tant soit peu quelque chose à ceci, vous avez quelque idée de la grandeur de l'homme qui, même dans I.'enfer, prouve son origine, témoigne de sa divinité.
Qu'il soit perdu, d'accord ... il n'en est pas moins, au fond, un fils ... un fils de Dieu !
Et il en est qui dans leur état de perdition, démontrent la gloire impérissable de leur filiation divine.
Lorsqu'au début de la Réforme, le pouvoir mondial de la vieille église fut brisé, les deux grandes directives de vie étaient nettement visibles dans la jeune lumière des temps nouveaux.
La nouvelle église de Luther et de Calvin ... et l'Humanitarisme, personnifié par exemple, par l'immortel Erasme. Et, ô merveille ... dans les premiers temps, les pôles d'activité étaient clairement interchangés.
La nouvelle église était révolutionnaire, elle mettait la hache à la racine de l'ordre mondial en vigueur, elle était en pleine action. Tandis que l'humanitarisme restait encore totalement sous le signe du penser.
Pendant la période de lutte où l'humanité entra ensuite, les deux pôles d'activité furent de nouveau changés, et notre époque nous montre une église, au point mort dans le domaine du penser, et un humanitarisme, gelé dans l'action.
L'église cherche une nouvelle orientation, de nouvelles normes théologiques. Elle cherche à subordonner son comportement futur, aux nouvelles manières de voir. Elle veut derechef des actes nouveaux. L'humanitarisme, malgré l'abondance de ses actes, n'ayant pas réussi à « créer un monde bon » se demande lui aussi s'il y a dans son raisonnement quelque chose qui« cloche ».
Résultat de la grande idée humanitariste, les années de la première guerre mondiale virent se développer la formidable révolution russe qui essaya d'élever au-dessus de la barbarie du moyen-âge, une masse de 200 millions d'individus. Le monde entier se voit depuis, contraint de compter avec cette nouvelle puissance formée et l'idée qui la soutient, et nous voyons se développer dans le monde slave une nette réorientation.
Les pôles d'activité changent pour la Nième fois et, suivant chacun leur route, les deux partis se croisent, pour s'éloigner ensuite rapidement comme des comètes. L'église en Russie est rétablie en tant que pouvoir.
Pendant les années de guerre mondiale, les deux courants se sont rencontrés, en Europe occidentale, dans les camps de concentration, les bunkers meurtriers et les chambres de torture. Là, ils se sont rapprochés, ils ont sympathisé, échangé des coups d'oeil et des poignées de mains, tandis que hagards ils contemplaient les débris de la culture mondiale européenne si renommée. Que peut faire d'autre dans ces circonstances, l'homme honnête et loyal ? Car il n'y a ici nulle trace d'hypocrisie.
Le monsieur persuadé « que le monde est aux mains du malin », sentait que cela ne pouvait continuer. Car c'était lui maintenant qui était saisi à la gorge par le malin ! ... était menacé d'exécution ... c'était sa femme qui était dépouillée ... son enfant qui souffrait de la faim et emmené en servitude. Le malin n'avait de respect ni pour la soutane, ni pour les titres de prérogative ou de noblesse, ni pour le sang bleu. Tous en prison. Or ces messieurs n'aiment pas faire ainsi connaissance avec le « malin ».
Le brave humanitaire sortit lui aussi de son engourdissement. Quelque chose clochait dans sa notion « l'homme est bon ». Les, humanitaristes qui, dans de nombreux pays tenaient en mains les leviers de commande ou possédaient tout au moins une puissance formidable, ne purent sauver le monde et l'humanité de ces horreurs ... ils durent eux aussi souffrir les coups de matraque du gardien et du bourreau.C'est ainsi que se rencontrèrent le « monde du malin » et le « monde du bien ». Une grande fraternisation naquit ... et des accords furent établis. Chacun ferait des concessions. Les conservateurs s'orienteraient vers l'humanitarisme et les humanitaristes vers la religion des théologiens. Que tout allait devenir idéal !
Un compromis entre deux points de vue, de nouvelles doctrines ... le lecteur a peut-être lui aussi tenté l'aventure ... la lutte à venir paraissait de nouveau si belle ... comportait tant de romantisme ... une nouvelle épopée héroïque allait être écrite ... de nouvelles églises appelées à la vie.
Mais du brouillard gris-plomb qui nous enveloppe, une voix se fait entendre. Une voix du lointain passé de l'humanité :
« Tout est vanité ! Que récolte l'homme de tout le mal qu'il se donne sous le soleil ? Une génération s'en va, et une autre vient ... et tout continue d'exister. Le soleil monte et le soleil descend. Le vent va vers le sud, puis se retourne vers le nord, il refait à tout instant les mêmes circuits. Tous les fleuves coulent vers la mer, mais la mer n'est point remplie. »
« Toutes choses sont inexprimablement fatigantes l'oeil ne se rassasie pas de voir et l'oreille ne se lasse pas d'entendre. »
« Ce qui a été, sera de nouveau. Ce qui est arrivé, arrivera de nouveau. Y a-t-il quelque chose dont on puisse dire : vois, ceci c'est nouveau ? Hélas cela a déjà existé' dans les siècles qui nous ont procédés. je porte mon attention sur tout travail accompli sous le soleil et vois, tout est vanité et poursuite du vent. Ce qui est courbe ne peut se redresser et il ne peut être parfait à ce qui manque. »
Croyez-vous que ceci soit la voix d'un pessimiste... de quelqu'un qui haïrait le monde et l'humanité ?
Cette voix représente le troisième point de vue, le point de vue auquel, à notre époque beaucoup sont appelés, celui de la Rose-Croix.
Ce comportement nous enseigne, comme la science ésotérique et l'expérience le prouvent, que l'humanité - aussi bien de ce côté que de l'autre côté du voile de la mort - se manifeste dans un champ de vie dialectique.
Or cette dialectique entraîne le changement constant des deux pôles vitaux, elle fait que toutes choses, toutes valeurs, tous états se transmutent en leur contraire ! Le jour devient la nuit - la lumière devient les ténèbres - le bien devient le mal - etc. et vice-versa.
Il n'y a pas de valeurs statiques dans notre champ de vie.
Vous ne pouvez, vous établissant au pôle du bien, penser : « Maintenant je suis en sûreté et sauvé », car ce pôle se renverse.
C'est pourquoi ce monde n'est pas enfermé dans le mal, voulant dire par là que ce qui est mauvais n'est pas inhérent à notre champ de vie, mais que notre champ de vie est dialectique et que c'est nous qui, dans ce champ avons créé le mauvais, le satanique. Notre champ de vie ne peut être désigné ni par la notion « bien », ni par la notion « mal ». Il n'est ni l'un ni l'autre, il est maya, une illusion, un leurre. Et nous sommes tous retenus prisonniers dans cette illusion, par le mauvais ou n'importe quel autre nom qu'on veuille lui donner.
Par conséquent « ce qui a été ... le sera de nouveau ».
Et c'est au service de cette Voix que des Fraternités, comme celles des Esséniens, des Manichéens, des Cathares et des Rose-Croix, ont voulu rompre la grande illusion et continuent à le faire.
Mais si « ce qui a été ... le sera de nouveau ».
Cet effort, n'est-il pas lui aussi vanité ? La volte-face perpétuelle sans espoir, n'est-elle pas toujours l'inévitable fin ?
Considérez cette fois ces paroles comme l'expression d'un optimisme rayonnant ... comme une grande joie qui sera un jour celle de tous les peuples !
Jadis existait quelque chose qui ne se trouvait pas dans le champ de vie dialectique : ... un ordre du monde primordial... un ordre humain des fils de Dieu ... or, il sera de nouveau ...
L'humanité n'a nul besoin de constituer cet ordre mondial, il n'est pas nécessaire de fonder ce Royaume ! Il est ! Cette moitié inconnue du monde, dont la Fama Fraternitatis témoigne, nous est révélée. C'est là que se trouve la Fraternité Universelle, c'est là que demeure la Force d'Amour qui dépasse toute compréhension !
Cette partie inconnue du monde, l'homme n'y entre pas quand il rend le dernier soupir, car, que l'homme soit dans son corps physique ou en dehors de lui, cette partie reste inconnue à celui qui sert la grande illusion.
La partie inconnue du monde est omniprésente, elle pénètre notre domaine de vie, de même que la quatrième dimension se présente perpendiculairement aux trois dimensions connues. L'humanité entière a connu jadis ce monde inconnu. C'est pourquoi cette préexistence s'affirme chez un grand nombre par une ressouvenance indéracinable et la conscience d'être d'origine divine ... et c'est pour cela qu'il y a combat ... lutte et cri qui implore la délivrance ... et ces chants : que « l'homme est bon » ... mais- aussi que la réalité du mal s'impose.
Comprenez-vous pourquoi des messagers sont envoyés prophétisant : Réveillez-vous, enfants de la Lumière ... car ce qui a été ... sera de nouveau !
Et le chemin ... le chemin de la véritable vie ... le chemin du retour est révélé.
Et le théologien qui voit ce chemin... a honte ... n'a-t-il pas en effet leurré son troupeau de vagues promesses, ne l'a-t-il pas trompé avec du simili, n'a-t-il pas tronqué la Langue Sacrée de tous les temps !
Et l'humanitariste qui voit ce chemin ... a honte ... car que vaut son idéal à côté de la réalité du Royaume originel !
Mais le théologien converti est reconnaissant ... car il a cherché son Seigneur et il L'a trouvé. Et la joie de l'humanitariste converti est fervente ... il n'a pas interrompu ses efforts. . . il cherchait le Grand Amour ... et il L'a trouvé.
Et l'Initié Paul pousse des cris de joie devant les profondeurs et les richesses spirituelles ; et nous voyons le défilé des Témoins de Dieu dans le monde, parler du nouveau Royaume. Et l'élève qui connaît ces joies rend lui aussi témoignage et lutte contre la grande illusion.
La moitié inconnue du monde
Nous pouvons y entrer grâce au noble Art magique, l'Art Royal de la Construction. Par la vraie renaissance évangélique, le processus d'intervertissement structurel de tous les aspects de l'homme dialectique, comme ce fut amplement exposé dans les précédents chapitres : le chemin de l'auto-franc-maçonnerie. Et il s’agit maintenant de voir clairement comment il faut exercer l'Art Royal.
Dans la moitié inconnue du monde, vit une humanité, dans un état véhiculaire tout autre que celui de l'humanité du champ de vie dialectique.
il est impossible, par une culture quelconque, d'arriver à passer d'un état dans l'autre, sur la base de l'état véhiculaire terrestre ordinaire. C'est le principe fondamental du chemin de l'auto-franc-maçonnerie. « La chair et le sang », quelle que soit la manière dont ils sont cultivés, « ne peuvent hériter le Royaume de Dieu. » Une renaissance organique absolue est nécessaire.
De nombreux siècles ont soupçonné ceci, et dans les religions exotériques de tous les temps, on trouve des fragments de cette doctrine, surtout dans le christianisme exotérique. La masse n'a jamais su qu'en faire, car elle manquait de la connaissance intérieure et dédaignait les instructeurs.
Pour la religion ordinaire, la renaissance est une forme de conversion, c'est : dire adieu à un certain état pécheur et vivre dans un autre milieu. Personne ne prétendra qu'un tel revirement soit inutile, mais il ne s'agit pas alors du revirement fondamental, mais d'une culture raisonnable et morale de notre manifestation dialectique.
Une telle conversion est le premier pas à accomplir la première réaction de l'homme prisonnier de la nature terrestre à la Lumière qui luit dans les ténèbres. Il s'agit a d'une préparation à la renaissance, un processus de préparation intelligente dans lequel tous les aspects mystiques, spirituels, physiques et magiques ont leur place.
Quelques anciens mystiques croyaient pouvoir accomplir ce premier changement et démontrer leur adieu à la matière de telle sorte qu'ils devenaient une parodie de la notion hygiène, et n'étaient plus à prendre avec des pincettes, tout en parasitant sur le travail et les possessions d'autrui. Chacun peut comprendre que de telles pratiques ne peuvent aider à la renaissance de l'Art noble.
Pour les fidèles de la religion chrétienne, la renaissance n'est qu'un renouvellement abstrait des normes de conscience. Quand par exemple, un individu quitte un état de corruption pour vivre selon les commandements du christianisme, selon une interprétation dogmatique déterminée, il devient dit-on, une autre créature, il naît soi-disant à nouveau. Sa vie, proprement dit - l'homme dans l'état de corruption, étant considéré mort - débute par un renouvellement de son état d'esprit. L'étroitesse d'une telle conception la rend désespérément fautive.
Les Gnostiques de tous les temps ont toujours combattu, de toutes leurs forces, cette regrettable mystification parce qu'ils connaissaient la vraie signification et l'évidence des paroles de Christ : « Personne ne verra ni n'entrera dans le Royaume des Cieux s'il ne renaît d'abord d'Eaux-Vives et de l'Esprit. »
« Il n'est pas vrai », dit Madame H. P. Blavatsky, en parlant de ces choses, « que quelqu'un fortement ancré dans le mal, puisse se convertir soudain et devenir également fort dans le bien. Sa stature physique est trop dépravée et devenue totalement impropre. On ne peut se servir d'une caque pour y mettre de l'essence de rose. Le bois est trop imprégné de saumure. »
Les cellules de notre stature physique ressemblent parfaitement à un microcosme. Elles fonctionnent selon des lois dialectiques déterminées, elles sont liées à la nature terrestre et incapables de comprendre un changement de direction provenant d'un autre domaine. Lorsqu'on leur fait violence, il ne peut en résulter que maladie, démence ou mort.
La conversion, au sens gnostique, est le processus de préparation et l'élève doit apprendre à l'interpréter de cette manière. C'est d'ailleurs à cette fin que l'École Spirituelle place l'élève dans le parvis pour y réaliser le processus préparatoire de nature triple, c'est-à-dire compris selon la conscience, l’âme et le corps.
Le grand danger toutefois, est que l'élève prenne ce triple processus du changement pour le processus de renaissance. Quand il le fait (et combien ne le font-ils pas), la loi des contraires qui est celle de ce champ de vie, le reconduira à l'opposé.
L'Art Noble pose donc, en premier lieu, un processus de triple changement et quand, par ce processus, le candidat est arrivé à l'extrême limite de ses possibilités et persévère, la porte de la « moitié inconnue du monde », s'ouvre devant lui. En un éclair, une véritable illumination intérieure, il voit devant lui, la stature de l'Homme céleste, la stature du véritable Fils de l'homme. Et quand, le voyant, le candidat est parfaitement à même de dire du fond de son être et en vérité Jesu mihi omnia - « Ce Porteur de Salut est tout pour moi » - le triple processus de préparation est suivi d'un triple processus d'anéantissement selon la vieille nature, et en même temps, d'un triple processus de renaissance selon la nouvelle nature.
C'est ainsi que la moitié inconnue du monde est dévoilée par trois fois trois processus - par trois jours de manifestation.
C'est en cela que consiste l'Art Noble, - la résurrection au troisième jour.
C'est en cela que consiste l'auto-franc-maçonnerie de l'Homme nouveau.
« Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende ce que l'Esprit dit aux Ecclésiae. »
Source:
Déi Gloria Intacta P183-195